Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 1.djvu/396

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tendue, faisant perdre l’équilibre au garde lui-même, sa tête et ses épaules s’enfoncent en même temps dans le coffre, à la satisfaction inexprimable de tous les porteurs et assistants. M. Pickwick sourit avec bonne humeur, tire un shilling de son gilet, et lorsque le garde sort de sa boîte, le prie de boire à sa santé un verre d’eau-de-vie et d’eau chaude. Sur cela, le garde sourit aussi, et MM. Snodgrass, Winkle et Tupman sourient tous de compagnie. Le garde et Sam Weller disparaissent pendant cinq minutes, probablement pour avaler le grog, car ils sentent l’eau-de-vie en revenant. Le cocher monte sur son siége, Sam saute derrière, les Pickwickiens tirent leurs redingotes sur leurs jambes et leurs châles sur leur nez, les valets d’écurie ôtent les couvertures des chevaux, le cocher crie : « En route !  » et les voilà partis.

Ils ont circulé à travers les rues, ils ont été cahotés sur le pavé, et, à la fin, ils atteignent la campagne. Les roues glissent sur le terrain dur et gelé. Au claquement aigu du fouet, les chevaux partent au petit galop et entraînent à leurs talons voiture, voyageurs, morue, barils d’huîtres, et le reste, comme si ce n’était qu’une plume légère. Ils ont descendu une pente douce et se trouvent sur une chaussée horizontale, de deux milles de long, aussi sèche, aussi compacte qu’un bloc de granit. Un autre claquement de fouet, et ils s’élancent au grand galop, secouant leur tête et leur harnais, sous l’influence excitante de leur mouvement rapide. Cependant le cocher, tenant le fouet et les guides d’une main, ôte son chapeau avec l’autre, le pose sur ses genoux, tire son mouchoir et essuie son front ; partie parce qu’il a l’habitude d’agir ainsi, et partie pour montrer aux voyageurs comme il est à son aise, et combien c’est une chose facile de conduire quatre chevaux, quand on a autant de pratique que lui. Ayant fait cela fort tranquillement (car autrement l’effet en serait notablement diminué), il replace son mouchoir, remet son chapeau, ajuste ses gants, équarrit ses coudes, fait claquer son fouet de nouveau, et au galop ! plus gaiement que jamais !

Quelques maisons, éparpillées des deux côtés de la route, annoncent l’entrée d’un village. Le cornet du garde fait vibrer dans l’air pur et frais des notes animées, qui réveillent le vieux gentleman de l’intérieur. Il abaisse la glace à moitié, regarde un instant au dehors, et relevant soigneusement la glace, informe l’autre habitant de l’intérieur que l’on va relayer dans quelques minutes. D’après cet avis, celui-ci se secoue, et