Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 1.djvu/408

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sûr, les vœux de chacun de nous. Buvons donc à leur santé, en leur souhaitant une longue vie et toutes sortes de prospérités. »

M. Pickwick cessa de parler au milieu d’une tempête d’applaudissements. Les poumons des auxiliaires, sous le commandement de Sam, se faisaient surtout distinguer par leur active et solide coopération. Ensuite M. Wardle proposa la santé de M. Pickwick, et M. Pickwick celle de la vieille lady. M. Snodgrass proposa M. Wardle, et M. Wardle proposa M. Snodgrass. Un des pauvres parents proposa M. Tupman, l’autre pauvre parent proposa M. Winkle, et tout fut bonheur et festoiement, jusqu’au moment où la disparition mystérieuse des deux pauvres parents sous la table, avertit la compagnie qu’il était temps de se séparer.

Sur la recommandation de M. Wardle, la partie masculine de la société entreprit une promenade de quatre ou cinq lieues, pour se débarrasser des fumées du vin et du déjeuner. Les pauvres parents seulement demeurèrent au lit, toute la journée, pour tâcher d’obtenir le même résultat ; mais n’ayant pu y parvenir ils furent obligés d’en rester là. Cependant Sam entretenait les domestiques dans un état d’hilarité perpétuelle, et le gros joufflu charmait ses loisirs en mangeant et en dormant tour à tour.

Aux larmes près, le dîner fut aussi affectueux que le déjeuner, et tout aussi bruyant ; ensuite vint le dessert et de nouveaux toasts, puis le thé et le café, puis enfin le bal.

Au bout d’une longue salle, garnie de sombres lambris, étaient assis, sous un berceau de houx et d’arbres verts, les deux meilleurs violons et l’unique harpe de Muggleton. Dans toutes espèces de recoins, et sur toutes sortes de supports, luisaient de vieux chandeliers d’argent massif. Le tapis était ôté, les bougies brillaient gaiement, le feu pétillait dans l’énorme cheminée, sur le chambranle de laquelle aurait pu rouler facilement un cabriolet de nos temps dégénérés. Des voix enjouées, des éclats de rires joyeux retentissaient dans toute la salle : enfin c’était justement l’endroit où les anciens yeomen anglais, devenus lutins après leur mort, auraient aimé à donner une fête.

Si quelque chose pouvait ajouter à l’intérêt de cette agréable cérémonie, c’était le fait remarquable que M. Pickwick apparut sans ses guêtres, pour la première fois de sa vie, s’il faut en croire ses plus anciens amis.