Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 1.djvu/423

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nues tout à fait transparentes, pendant le passage de la flamme, cela réchauffe un peu. Apportez-en un verre à M. Grub. »

L’infortuné sacristain protesta vainement qu’il ne prenait jamais rien de chaud pendant la nuit ; l’un des courtisans le tint par le nez et le menton, pendant qu’un autre versait dans son gosier l’ardent liquide, et toute l’assemblée se mit à rire avec des hurlements, tandis qu’il suffoquait et qu’il essuyait, avec son mouchoir, le ruisseau de larmes occasionné par cette boisson brûlante.

« Maintenant, dit le roi fantasque, en fourrant plaisamment la pointe de son chapeau dans l’œil du sacristain, de manière à lui causer une nouvelle souffrance ; maintenant montrez à l’homme atrabilaire et misanthrope, quelques peintures de notre musée. »

Lorsque le goblin eut prononcé ces paroles, un nuage épais qui obscurcissait l’un des coins de la caverne, se dissipa graduellement, et laissa apercevoir, apparemment à une grande distance, une chambre petite et mal meublée, où régnait cependant un ordre et une propreté charmante. Auprès d’un bon feu se prélassait un fauteuil vide, tandis que sur la table était arrangé un repas frugal. Une jeune mère, entourée d’enfants allait de temps en temps à la fenêtre et en soulevait le rideau pour découvrir un peu plus tôt celui qu’elle attendait. Un coup frappé à la porte se fit entendre ; la mère alla ouvrir et les enfants pleins de joie battirent des mains lorsque le père entra. Il était mouillé et fatigué. Il secoua la neige de ses vêtements, et les enfants s’empressèrent de l’entourer pour emporter, l’un son chapeau, l’autre son manteau, l’autre son bâton, l’autre ses gants. Ensuite le père s’assit, pour prendre son repas, auprès du feu ; les enfants grimpèrent sur ses genoux, la mère se plaça à côté de lui : la paix et le bonheur brillaient sur leur visage.

Mais un changement se fit dans le tableau, d’une manière presque imperceptible. La scène représenta une petite chambre à coucher, où le plus jeune et le plus joli des enfants gisait sur son lit de mort. Les roses de ses joues étaient flétries, la lumière de ses yeux était éteinte, et tandis que le sacristain lui-même le considérait avec un intérêt qu’il n’avait jamais ressenti auparavant, le pauvre enfant rendit le dernier soupir. Ses jeunes frères et ses sœurs se pressèrent autour de son berceau, et saisirent sa main ; mais elle était froide et roidie.