Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 1.djvu/62

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un peu de fraîcheur, ne trouvez-vous pas qu’elles feraient de l’effet… à la lumière ?

— Oui,… je le crois, répliqua M. Tupman d’un air indifférent.

— Oh ! moqueur ! Je sais ce que vous alliez dire.

— Quoi donc ? demanda M. Tupman, qui n’était pas bien décidé à dire quelque chose.

— Vous alliez dire qu’Isabelle est voûtée. Je sais que vous l’alliez dire. Les hommes sont de si bons observateurs ! Eh bien ! c’est vrai ; je ne puis pas le nier ! Et certainement s’il y a quelque chose de vilain pour une jeune personne, c’est d’être voûtée. Je le lui dis souvent, et qu’elle deviendra tout à fait effroyable quand elle sera un peu plus vieille. Je vois que vous avez l’esprit malin. »

M. Tupman, charmé d’obtenir cette réputation à si bon marché, s’efforça de prendre un air fin, et sourit mystérieusement.

« Quel sourire sarcastique ! s’écria l’inflammable Rachel. Je vous assure que vous m’effrayez.

— Je vous effraye ?

— Oh ! vous ne pouvez rien me cacher. Je sais ce que ce sourire signifie.

— Hé bien ? dit M. Tupman, qui lui-même n’en avait pas la plus légère idée.

— Vous voulez dire, poursuivit l’aimable tante, en parlant encore plus bas, vous voulez dire que la tournure d’Isabelle vous déplaît encore moins que l’effronterie d’Emily. C’est vrai, elle est effrontée. Vous ne pouvez croire combien cela me rend parfois malheureuse. Je suis sûre que j’en ai pleuré pendant des heures entières. Mon cher frère est si bon, si peu soupçonneux, qu’il n’en voit rien. S’il le voyait, je suis certaine que cela lui briserait le cœur. Je voudrais pouvoir me persuader qu’il n’y a pas de mal au fond. Je le désire si vivement ! (Ici l’affectueuse parente poussa un profond soupir, et secoua tristement la tête.)

— Je suis sûre que ma tante parle de nous, dit tout bas miss Emily Wardle à sa sœur. J’en suis tout à fait sûre : elle a pris son air malicieux.

— Tu crois, répondit Isabelle. Hem ! tante, chère tante !

— Oui, mon cher amour.

— J’ai bien peur que vous ne vous enrhumiez, ma tante, mettez donc un mouchoir de soie autour de votre bonne vieille tête. Vous devriez prendre plus soin de vous, à votre âge. »