Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 1.djvu/71

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il s’échappa, entraînant avec rapidité MM. Tupman et Snodgrass. Hélas ! leur carrière ne fut pas longue. M. Tupman, hors de lui-même, se jeta dans la haie, et M. Snodgrass suivit instinctivement son exemple. Le cheval brisa la voiture contre un pont de bois, sépara les roues du brancard, le brancard de la caisse, et, finalement, resta immobile à contempler les ruines qu’il avait faites.

Le premier soin des deux amis intacts fut d’extraire les deux amis naufragés de leur lit d’épines. Quand ils y furent parvenus, ils s’aperçurent avec une satisfaction inexprimable que ceux-ci n’avaient pas souffert de dommage sérieux, et qu’ils en étaient quittes pour de nombreuses déchirures dans leurs vêtements et dans leur peau. Tous ensemble, ils s’occupèrent alors à débarrasser le cheval des débris de la chaise ; et lorsque cette opération compliquée fut terminée, ils le placèrent au milieu d’eux, et poursuivirent lentement leur chemin, abandonnant les restes de la voiture à leur triste destinée.

Une heure de marche amena nos voyageurs auprès d’une petite auberge plantée entre deux ormes sur le bord de la route. On voyait par-devant une grande auge et une énorme enseigne ; par derrière, une ou deux meules déformées ; sur le côté, un jardin potager ; et tout autour, entassés dans une étrange confusion, des hangars ruinés et des appentis couverts de mousse. Un paysan, porteur d’une tête rousse, travaillait dans le jardin. M. Pickwick l’aperçut et lui cria : « Ohé, là bas !  » Le paysan se releva lentement, abrita ses yeux avec ses mains, et examina froidement M. Pickwick et ses compagnons.

« Ohé, là bas ! répéta M. Pickwick.

— Ohé, répondit la tête rousse.

— Combien y a-t-il d’ici à Dingley-dell ?

— Sept bons milles.

— La route est-elle bonne ?

— Non !  » rétorqua brièvement le paysan. Puis, ayant fait subir à nos voyageurs un nouvel examen, il se remit à travailler, sans s’occuper d’eux davantage.

« Nous voudrions laisser ce cheval ici, reprit M. Pickwick.

— Laisser le cheval ici ? répéta l’homme en s’appuyant sur sa bêche.

— Précisément, répondit M. Pickwick, qui s’était avancé avec son coursier jusqu’à la porte de la palissade du jardin.

— Maîtresse ! beugla l’homme à la tête rousse, en sortant