Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 2.djvu/311

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dant l’objet en question à travers ses lunettes et avec beaucoup d’intérêt. Je pense qu’il appartient à Bob. »

Cette opinion était parfaitement exacte. M. Bob Sawyer ayant attaché le flacon au bout de sa canne, le faisait battre contre la fenêtre, pour engager ses amis de l’intérieur à en partager le contenu, en bonne harmonie et en bonne intelligence.

« Que faut-il faire ? demanda M. Pickwick en regardant le flacon. Cette idée-là est encore plus absurde que l’autre.

— Je pense qu’il vaudrait mieux le prendre et le garder, opina Ben Allen. Il le mérite bien.

— Certainement. Le prendrai-je ?

— Je crois que c’est ce que nous pouvons faire de mieux. »

Cet avis coïncidant complètement avec l’opinion de M. Pickwick, il abaissa doucement la glace et détacha la bouteille du bâton. Celui-ci fut alors retiré, et l’on entendit M. Bob Sawyer rire de tout son cœur.

« Quel joyeux gaillard ! dit M. Pickwick, le flacon à la main.

— C’est vrai, répondit Ben.

— On ne saurait rester fâché contre lui.

— Tout à fait impossible. »

Pendant cette courte communication de sentiments, M. Pickwick avait machinalement débouché la bouteille.

« Qu’est-ce que c’est ? demanda nonchalamment M. Allen.

— Je n’en sais rien, répliqua M. Pickwick avec une égale nonchalance. Cela sent, je crois, le punch.

— Vraiment ? dit Benjamin.

— Je le suppose du moins, reprit M. Pickwick, qui n’aurait pas voulu s’exposer à dire une fausseté. Je le suppose, car il me serait impossible d’en parler avec certitude sans y goûter.

— Vous ne feriez pas mal d’essayer. Autant vaut savoir ce que c’est.

— Est-ce votre avis ? Eh bien ! si cela vous fait plaisir, je ne veux pas m’y refuser. »

Toujours disposé à sacrifier ses propres sentiments aux désirs de ses amis, M. Pickwick s’occupa assez longuement à déguster le contenu de la bouteille.

« Qu’est-ce que c’est ? demanda M. Allen, en l’interrompant avec quelque impatience.

— C’est extraordinaire ! répondit le philosophe en léchant ses lèvres ; je n’en suis pas bien sur. Oh ! oui, ajouta-t-il, après avoir goûté une seconde fois, c’est du punch. »

M. Ben Allen regarda M. Pickwick, et M. Pickwick regarda