Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 2.djvu/321

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suivit immédiatement ; puis les trois compagnons allèrent se coucher en silence, et sans souper. Mais avant de s’endormir, M. Pickwick pensa que s’il avait su quel homme méthodique était M. Winkle senior, il ne se serait assurément pas chargé d’une telle commission pour lui.




CHAPITRE XXII.

Dans lequel M. Pickwick rencontre une vieille connaissance, circonstance fortuite à laquelle le lecteur est principalement redevable des détails brûlants d’intérêt ci-dessous consignés, concernant deux grands hommes politiques.


Lorsque M. Pickwick se réveilla à huit heures du matin, l’état de l’atmosphère n’était nullement propre à égayer son esprit, ni à diminuer l’abattement que lui avait inspiré le résultat inattendu de son ambassade. Le ciel était triste et sombre, l’air humide et froid, les rues mouillées et fangeuses. La fumée restait paresseusement suspendue au sommet des cheminées, comme si elle avait manqué d’énergie pour s’élever, et la brume descendait lentement, comme si elle n’avait pas eu même le cœur à tomber. Un coq de combat, privé de toute son animation habituelle, se balançait tristement sur une patte, dans la cour, tandis qu’une bourrique, sous un étroit appentis, tenait sa tête baissée, et, s’il fallait en croire sa contenance misérable, devait méditer un suicide. Dans les rues, on ne voyait que des parapluies, et l’on n’entendait que le cliquetis des socques et le clapotement de l’eau, qui dégouttait des toits.

Pendant le déjeuner, la conversation demeura singulièrement traînante. M. Bob Sawyer lui-même ressentait l’influence du temps, et la réaction de l’excitation du jour précédent. Suivant son propre et expressif langage, il était aplati. M. Ben Allen l’était aussi ; et pareillement M. Pickwick.

Dans l’attente prolongée d’une éclaircie, le dernier journal de Londres fut lu et relu, avec une intensité d’intérêt qui ne s’observe jamais que dans des cas d’extrême misère. Les trois compagnons d’infortunes ne mirent pas moins de persévérance