Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 1.djvu/169

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toutes les fois qu’on s’arrêtait devant une taverne de village ou tout autre lieu pour y donner le spectacle, M. Codlin, tout en s’occupant de ses fonctions, tenait son regard soigneusement attaché sur elle et sur le vieillard ; ou bien, avec des démonstrations d’amitié et de respect, invitait ce dernier à s’appuyer sur son bras, et le surveillait ainsi de près jusqu’à ce que la représentation fût terminée et qu’on fût reparti. Short lui-même semblait changé à cet égard. Lui aussi, il avait l’air de mêler à son caractère ouvert le désir bien arrêté d’établir sur eux un système de surveillance. Toutes ces circonstances redoublèrent les soupçons de l’enfant et lui inspirèrent encore plus de défiance et d’anxiété.

Cependant ils approchaient de la ville où les courses devaient commencer le lendemain : ils n’en pouvaient douter ; car en passant à travers des troupes nombreuses de bohémiens et de vagabonds qui suivaient la même route dans la direction de la ville et sortaient de tous les chemins de traverse, de toutes les ruelles de la campagne, ils tombèrent au milieu d’une foule de gens, les uns voyageant dans des charrettes couvertes, les autres à cheval, ceux-ci sur des ânes, ceux-là chargés de lourds fardeaux, et tous tendant vers le même but. Les cabarets situés sur le bord de la route avaient cessé d’être vides et silencieux comme ceux qui se trouvaient plus éloignés ; maintenant il s’en échappait des cris tumultueux et des nuages de fumée ; à travers les fenêtres noires, on voyait des groupes de grosses faces rubicondes regarder sur la route. Sur chaque emplacement de terrain inculte ou communal, quelque jeu de hasard étalait son industrie bruyante et invitait les passants désœuvrés à s’arrêter pour tenter la chance ; la foule devenait de plus en plus compacte ; le pain d’épice doré exposait ses splendeurs à la poussière dans des baraques en toile ; et parfois une voiture à quatre chevaux, lancée au galop, passait rapidement en soulevant un nuage qui couvrait tout et laissait les gens ahuris et aveuglés par derrière.

Il était tard quand nos voyageurs arrivèrent à la ville même ; les derniers milles qu’ils avaient eus à faire avaient été longs et pénibles. Dans cette ville, tout était tumulte et confusion ; les rues étaient pleines de monde : on y pouvait distinguer bien des étrangers, aux regards curieux qu’ils jetaient autour d’eux, les cloches des églises faisaient retentir leur bruyant carillon ; les