Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 1.djvu/49

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mistress Jiniwin s’élança impétueusement dans la chambre ; car, supposant que son gendre était encore au lit, elle voulait se soulager en admonestant vertement sa fille sur la conduite et le caractère de son mari. Mais quand elle le vit debout et habillé, et qu’elle s’aperçut que, depuis la veille au soir, la chambre semblait avoir été constamment occupée, elle s’arrêta tout court avec quelque embarras.

Rien n’échappait à l’œil de faucon du vilain petit homme ; il comprit parfaitement ce qui se passait dans l’esprit de sa belle-mère. Paraissant plus laid encore dans la plénitude de sa satisfaction, il lui souhaita le bonjour en lui lançant une œillade de triomphe.

« Eh quoi ! Betzy, dit la vieille dame, vous n’avez pas été vous… Ce n’est pas à dire, sans doute, que vous avez été…

— Debout toute la nuit ! dit Quilp achevant la phrase. Oui, elle est restée debout.

— Toute la nuit ! s’écria mistress Jiniwin.

— Oui, toute la nuit. Est-ce qu’elle est devenue sourde, la bonne femme ? demanda Quilp avec un sourire accompagné d’un froncement de sourcils. Qui oserait dire que l’homme et la femme s’ennuient dans leur compagnie réciproque ? Ah ! ah ! le temps a passé vite.

— Vous êtes une brute !

— Allons, allons, dit Quilp feignant de se méprendre, il ne faut pas adresser d’injures à votre fille. Elle est ma femme, vous le savez. Et parce qu’elle a fait si rapidement passer le temps que je n’ai point songé à m’aller mettre au lit, ce n’est pas une raison pour que votre tendresse envers moi vous anime contre elle. Dieu de Dieu, quelle maîtresse femme !… À votre santé !

— Je vous suis fort obligée, répliqua la vieille dame, témoignant par l’agitation de ses mains qu’elle éprouvait un vif désir de faire tomber sur le gendre son poing maternel. Oh ! je vous suis fort obligée.

— Âme reconnaissante !… Mistress Quilp !

— Oui, Quilp, murmura l’esclave soumise.

— Aidez votre mère à préparer le déjeuner, mistress Quilp Ce matin, je vais à mon quai. Le plus tôt sera le mieux ; ainsi hâtez-vous. »

Mistress Jiniwin fit mine de résistance en s’asseyant sur une chaise près de la porte et se croisant les bras comme si elle était