Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. La Bédollière, 1840.djvu/106

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
101
NICOLAS NICKLEBY.

j’y fasse ? s’écria madame Nickleby ; je sais que vous avez été très-bon pour nous et que vous avez d’excellentes intentions pour ma chère fille ; j’en suis convaincue : vous l’avez reçue chez vous, vous lui avez rendu mille services ; mais, vous le savez, mon beau-frère, je ne puis renoncer à mon fils, quand même il serait coupable de ce dont on l’accuse, ce que je ne crois pas possible. Soumettons-nous donc à la misère et à l’abandon, ma chère Catherine ; je saurai les supporter.

En prononçant ces mots, auxquels elle ajouta une suite étonnante de phrases décousues qu’aucune puissance humaine n’aurait pu lier ensemble, madame Nickleby se tordit les mains avec toutes les apparences du désespoir.

— Pourquoi dites-vous : Quand même Nicolas serait coupable de ce dont on l’accuse ? demanda Catherine pleine d’une noble colère. Vous savez qu’il ne l’est pas. — Je ne sais que penser, ma chère, dit madame Nickleby ; Nicolas est si violent, et votre oncle a l’air si honnête, que je ne puis songer qu’à ses paroles, et non aux actions de Nicolas. N’importe ; n’en parlons plus ; nous pouvons trouver un asile à l’atelier pour les pauvres, ou à l’hospice des Orphelins, ou à l’hôpital de la Madeleine, et le plus tôt sera le mieux.

Après cette énumération d’institutions charitables, madame Nickleby se remit à pleurer. Ralph allait partir.

— Arrêtez ! dit Nicolas. Il est inutile de sortir ! car dans une minute vous serez débarrassé de ma présence, et de longtemps je ne viendrai jeter le trouble dans ces murs. — Nicolas, s’écria Catherine en posant sa tête sur l’épaule de son frère et en le serrant dans ses bras, ne parlez pas ainsi, mon cher frère, vous me brisez le cœur ! — Je tournerai le dos à cette ville quelques heures plus tôt que je n’en avais l’intention. Mais qu’importe ? nous ne nous oublierons pas, et de meilleurs jours viendront où nous ne nous séparerons plus. Catherine, ayez le courage d’une femme, et empêchez-moi d’en avoir la faiblesse, lorsqu’il a les yeux sur moi. — Mais vous ne nous quitterez pas, dit Catherine avec angoisse. Oh ! songez à tous les jours heureux que nous avons passés ensemble avant nos désastres, à notre bonheur domestique et aux épreuves que nous avons à subir. Songez que nous sommes sans protection contre le mépris et les affronts auxquels nous expose la pauvreté, et vous ne nous laisserez pas en supporter seules le fardeau. — Vous aurez un appui quand je ne serai plus là, répondit Nicolas avec empressement ; je ne puis rien pour vous, rien que vous apporter le chagrin, la misère, la souffrance. Ma mère le voit, et sa tendresse et ses alarmes pour vous me tracent la conduite que je dois suivre. Ainsi donc, que tous les anges vous bénissent, Catherine, jusqu’à ce que je puisse vous