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NICOLAS NICKLEBY.

La petite miss la Creevy était présente, et ne se désolait pas moins.

Nicolas attendit que la douleur générale fût un peu calmée, et, fatigué d’un long voyage, il se jeta tout habillé sur son lit et s’endormit profondément. À son réveil, il trouva à son chevet sa sœur Catherine, qui, lui voyant ouvrir les yeux, se pencha pour l’embrasser.

— Je viens vous exprimer combien je suis contente de vous revoir, mon frère. Nous vous attendions avec impatience, ma mère, moi et… Madeleine. — Vous m’avez mandé dans votre dernière lettre qu’elle se portait bien, dit Nicolas ; ne sait-on rien des arrangements que MM. Cheeryble comptent prendre pour elle ? — Il n’en a pas été question. Je ne puis songer sans peine à me séparer d’elle, et sans doute vous ne désirez pas qu’elle s’éloigne. — Non, Catherine. Je pourrais essayer de déguiser à toute autre qu’à vous mes véritables sentiments ; mais je vous avouerai franchement que je l’aime.

Les yeux de Catherine brillèrent, et elle allait répondre ; mais Nicolas poursuivit :

— Tout le monde doit l’ignorer, elle surtout. Parfois je cherche à me persuader qu’un temps viendra où je pourrai le lui dire sans forfaire à l’honneur ; mais ce temps est si loin de moi, tant d’années s’écouleront avant qu’il arrive, je serai alors si différent de moi-même, que mes espérances me paraissent folles et d’une réalisation impossible. — Avant de continuer, mon frère, écoutez ce que j’ai à vous apprendre ; je suis venue exprès, mais je manquais de courage, et ce que vous me dites m’en donne.

Elle essaya de s’expliquer, mais les pleurs l’en empêchèrent.

— Allons, enfant, ayez plus d’énergie. Je crois deviner le secret que vous voulez me révéler. Il intéresse M. Frank, n’est-ce pas ?

Catherine inclina sa tête sur l’épaule de son frère, et dit oui en sanglotant.

— Et il vous a offert sa main durant mon absence, n’est-ce pas ? oui, vous voyez qu’après tout ce n’est pas si difficile à dire, il vous a offert sa main ? — Et je l’ai refusée. — Et pourquoi ? — Pour les raisons que vous avez données vous-même à ma mère dans un entretien dont elle m’a fait part. Je n’ai pu lui cacher que ce refus m’était bien pénible ; mais je l’ai prié avec fermeté de ne plus me voir. — Ma brave Catherine ! — Il a essayé d’ébranler ma résolution, il a déclaré qu’il instruirait ses oncles et vous-même de sa démarche. J’ai peur de ne pas lui avoir assez fortement exprimé combien j’étais touchée de son amour désintéressé, et avec quelle ardeur je formais des vœux pour son bonheur. Si vous avez un entretien en-