Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. La Bédollière, 1840.djvu/52

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
47
NICOLAS NICKLEBY.

— Je ne sais, dit Nicolas, qui s’échauffait par degrés, si vous avez l’intelligence assez développée, monsieur Browdie, pour vous apercevoir que vos remarques sont offensantes ; ayez ; donc la bonté… — Si vous dites un mot, John, je ne vous le pardonnerai jamais, je ne vous reparlerai plus ! s’écria miss Price en plaçant la main sur la bouche de son fiancé, qui allait interrompre Nicolas. — Eh bien ! comme vous voudrez, dit le marchand de blé, laissons-le dire, laissons-le dire.

Tout cela se passa assez mal. À la fin miss Squeers devint d’un rouge de feu, et remercia Dieu de ne pas avoir la mine effrontée de certaines personnes ; en revanche, miss Price se félicita de ne pas être possédée des sentiments de jalousie de certaines personnes. Là-dessus miss Squeers fit une observation générale sur le danger de se lier avec des gens de bas étage ; miss Price fut de son avis, et ajouta qu’elle y avait réfléchi depuis longtemps.

— Mathilde, s’écria miss Squeers avec dignité, je vous déteste. — Ah ! il n’y a pas grande dépense de tendresse entre nous, je vous l’assure, dit miss Price en nouant précipitamment les cordons de son chapeau, Vous pleurerez les yeux de votre tête quand je serai partie, vous le savez. — Je méprise vos paroles, méchante. — Merci du compliment, Madame. Je vous souhaite une bonne nuit et des songes agréables !

Miss Price fit une profonde révérence et sortit suivie par l’énorme marchand de blé, qui, avant de partir, échangea avec Nicolas ce grognement expressif par lequel les tyrans de mélodrame se font savoir qu’ils se retrouveront.

Ils ne furent pas plus tôt partis, que miss Squeers accomplit la prédiction de sa ci-devant amie, en donnant un libre cours à ses larmes, en poussant des cris de détresse et prononçant des paroles incohérentes. Nicolas la regarda pendant quelques minutes, incertain de la conduite qu’il devait tenir ; mais ne sachant si, à la fin de l’accès, il serait embrassé ou égratigné, et considérant l’un et l’autre cas comme peu agréables, il s’éclipsa fort tranquillement, et regagna son misérable lit.


CHAPITRE VIII.


Le surlendemain du départ de Nicolas pour le Yorkshire, Catherine Nickleby était assise dans un fauteuil très-fané, élevé sur un piédestal très-poudreux, dans l’atelier de miss la Creevy ; elle donnait une séance à la demoiselle, et pour perfectionner le portrait auquel elle travaillait, miss la Creevy avait fait monter le cadre