Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/110

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bureau de placement lors de sa première visite à cet établissement. Puis, en jetant un coup d’œil sur la domestique, il reconnut cette même bonne, de modeste apparence, qui l’accompagnait alors. Suspendu entre l’admiration que lui inspirait la vue des charmes de la demoiselle et la confusion où le jetait la surprise de cette reconnaissance inattendue, il resta immobile comme une souche, dans un tel état de saisissement et d’embarras, qu’il se sentit pour le moment également incapable de parler ni de bouger.

« Ma chère madame, ma chère demoiselle, criait le frère Charles dans une agitation violente, finissez, je vous prie ; pas un mot de plus, je vous en conjure ; ce que je vous demande à mains jointes, c’est de vous lever. Nous…, nous ne sommes pas seuls. »

En même temps il releva la jeune personne qui alla prendre une chaise en chancelant et s’évanouit.

« Elle se trouve mal, monsieur, dit Nicolas se précipitant vers elle.

— Pauvre enfant, cria le frère Charles, pauvre enfant ! Où est le frère Ned ? Ned, mon cher frère, venez un peu, je vous prie.

— Frère Charles, mon cher ami, répliqua Ned en entrant brusquement dans la chambre, qu’est-ce qu’il y a ? quoi ?

— Chut ! chut ! pas un mot de plus, au nom du ciel, frère Ned, répliqua l’autre. Sonnez la gouvernante, mon cher frère ; appelez Tim Linkinwater. Monsieur Tim Linkinwater, venez vite. Mon cher monsieur Nickleby, je vous en prie et vous en supplie, laissez-nous seuls.

— Il me semble qu’elle est mieux, dit Nicolas qui, dans son zèle à considérer la malade, n’avait même pas entendu qu’on le priait de sortir.

— Pauvre mignonne ! cria frère Charles en prenant doucement la main de la jeune fille dans la sienne et lui tenant la tête posée sur son bras. Frère Ned, mon cher ami, je comprends votre étonnement de voir une scène pareille ici, dans notre cabinet d’affaires, mais… » Avant d’en dire davantage, il se rappela la présence de Nicolas, et, lui serrant la main, le pria avec insistance de quitter la chambre et de lui envoyer sans retard Tim Linkinwater.

Nicolas se retira immédiatement, et, en retournant au bureau, trouva la vieille gouvernante et Tim Linkinwater qui se coudoyaient l’un l’autre, dans leur empressement extraordinaire à se rendre près des frères Cheeryble. Sans s’arrêter à écouter Nicolas, Tim Linkinwater se précipita dans le cabinet, et Nicolas entendit aussitôt fermer en dedans la porte à double tour.