Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/120

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colas, un seul mot ? Il n’en faudra pas plus pour expliquer toute cette mésaventure. »

Mais autant en emportait le vent ; car la jeune dame était déjà remontée, les yeux égarés de frayeur. Il voulait la suivre, sans Newman qui se cramponna à son collet pour le retenir et l’entraîna dans le corridor par où ils étaient entrés.

« Laissez-moi, Newman, de par tous les diables ! cria Nicolas. Il faut que je lui parle, je le veux ; je ne quitterai pas cette maison sans lui dire…

— Sa réputation… son honneur… de la violence… Réfléchissez, dit Newman le serrant de ses deux bras et le poussant devant lui. Laissez-les ouvrir la porte au père : sitôt qu’elle sera refermée, nous nous en irons tout de suite par où nous sommes venus. Allons ! par ici. Bon ! »

Vaincu par les remontrances de Newman, par les larmes et les prières de la servante, et par ce terrible coup de marteau qui allait toujours bon train, Nicolas se laissa entraîner ; et, juste au moment où Crevisse faisait son entrée par la porte, Noggs et lui firent leur sortie par la grille.

Ils se mirent à courir le long de plusieurs rues sans s’arrêter et sans dire un mot. Enfin, ils firent halte et se regardèrent dans le blanc des yeux aussi consternés l’un que l’autre.

« Ne craignez rien, dit Newman reprenant haleine ; ne vous laissez pas décourager, tout va bien. On ne sera pas toujours si malheureux. Personne ne pouvait prévoir ça. J’ai fait de mon mieux.

— À merveille, répliqua Nicolas en lui prenant la main ; à merveille, comme un brave et fidèle ami. Seulement, écoutez bien, Newman, je ne suis point désappointé du tout, et je ne vous en sais pas moins de gré de votre zèle ; seulement vous vous êtes trompé de demoiselle.

— Comment ! cria Newman Noggs, attrapé par la servante ?

— Newman, Newman, dit Nicolas en lui mettant la main sur l’épaule, vous vous étiez aussi trompé de servante. »

Newman en laissa retomber sa mâchoire inférieure de saisissement et regarda en face Nicolas, avec son bon œil fixe et immobile, et comme cloué dans sa tête.

« Ne prenez pas la chose à cœur, dit Nicolas, cela n’a pas d’importance. Vous voyez que cela m’est égal. Vous avez suivi cette bonne pour une autre, voilà tout. »

Et voilà tout en effet. Était-ce que Newman Noggs, à force de regarder de côté derrière la pompe, avait fini par se fatiguer la vue et se tromper de direction ? était-ce que, croyant avoir