Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/161

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Jugez si ce soir-là on mit tout en l’air dans la maison, et si on fit d’immenses préparatifs pour la visite annoncée ; on n’oublia pas même un grand bouquet, qu’on se procura chez le jardinier à côté et que l’on divisa en une foule d’autres plus petits pour orner la maison. Mme Nickleby en aurait volontiers tapissé tout le salon d’après les principes de goût qui lui étaient particuliers, et qui n’auraient pas manqué d’attirer l’attention, si Catherine ne s’était pas offerte à lui en épargner la peine, pour les disposer elle-même avec l’élégance la plus simple et la plus naturelle. Jamais le cottage n’avait paru plus joli que lorsqu’il fut le lendemain éclairé par le jour le plus gai et le soleil le plus brillant ; mais ni l’orgueil de Smike, en regardant son jardin, ni celui de Mme Nickleby, en passant en revue son mobilier, ni celui de Catherine, en jetant partout son coup d’œil de maîtresse de maison, n’approchaient de l’orgueil avec lequel Nicolas contemplait Catherine elle-même ; et, en effet, le plus riche château de toute l’Angleterre aurait été fier de trouver dans la beauté de ses traits et dans l’élégance de ses formes son ornement le plus rare et le plus précieux.

Vers six heures du soir Mme Nickleby fut jetée dans la plus vive agitation par le coup de marteau depuis si longtemps attendu, et son agitation ne fit que s’accroître en entendant le pas de deux paires de bottes dans le corridor, ce qui fit prophétiser à la bonne dame, hors d’elle-même, que ce devaient être les deux MM. Cheeryble, et tout en se trompant elle ne se trompait pas. Ce n’étaient pas les deux frères, comme elle l’avait auguré, mais c’étaient M. Charles Cheeryble et M. Frank Cheeryble, son neveu, qui commença par s’excuser de cette visite indiscrète, en demandant mille pardons qui lui furent tous accordés de la meilleure grâce du monde par Mme Nickleby, car elle avait compté ses cuillers et savait qu’elle en aurait plus qu’il n’en fallait pour son thé. L’apparition de ce visiteur imprévu ne causa donc pas le moindre embarras (si ce n’est peut-être à Catherine, qui en fut quitte pour rougir deux ou trois fois dans le commencement). Et d’ailleurs le vieux gentleman fut si cordial et si bon, et le jeune gentleman l’imita si bien en cela, qu’il n’y avait pas trace de cette roideur cérémonieuse qui gâte presque toujours une première entrevue, et que Catherine se surprit plus d’une fois à se demander quand est-ce que la présentation officielle allait commencer.

Une fois à table à prendre le thé, la conversation s’engagea sur une foule de sujets variés ; elle fut même plus d’une fois animée par des discussions qui ne manquaient pas d’avoir leur