Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/163

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la foi et l’espérance. Péché ou vertu, cet orgueil-là gonfla le cœur de Mme Nickleby pendant toute la soirée, et, quand on reprit le chemin de la maison, on voyait encore briller, à la lumière, sur ses joues, les traces des plus douces larmes qu’elle eût versées jamais. Après un petit souper, dont la gaieté tranquille était en parfaite harmonie avec ces dispositions d’esprit, les deux gentlemen finirent par prendre congé de ces dames. Il y eut encore là, au départ, une circonstance qui devint l’occasion d’une foule de plaisanteries amusantes, c’est que M. Frank Cheeryble serra une fois de plus qu’il n’est d’usage la main de Catherine, oubliant tout à fait qu’il lui avait déjà dit adieu. L’oncle Charles y vit une preuve accablante que son neveu distrait ne pensait qu’à sa flamme allemande, supposition qui fut aussitôt accueillie par un immense éclat de rire. Il ne faut pas grand’chose pour égayer des cœurs innocents.

Bref, ce fut un jour de bonheur tranquille et serein ; nous avons tous quelques beaux jours (j’en souhaite même beaucoup de pareils à mes lecteurs) sur lesquels nous revenons toujours avec un plaisir particulier. Eh bien ! c’était un de ceux-là, et bien des fois plus tard il en fut parlé comme d’un jour qui tenait une place mémorable dans le calendrier de ceux qui avaient eu le bonheur d’en prendre leur part.

Pourtant, n’y avait-il pas une exception, et pour celui qui avait le plus besoin d’être heureux ?

Qui est-ce donc que celui-là qui, dans le silence de sa chambre, tomba à genoux pour faire à Dieu la prière que lui avait apprise son premier ami, puis joignit les mains et les étendit dans le vide, d’un air désespéré, avant de tomber la face contre terre dans un accès du chagrin le plus amer ?


CHAPITRE XII.

M. Ralph Nickleby rompt avec une ancienne connaissance. On pourrait aussi conclure du contenu de ce chapitre que, même entre mari et femme, il ne faut pas pousser les plaisanteries trop loin.

Il y a des gens qui, ne vivant uniquement que pour s’enrichir n’importe comment, et qui, ne se faisant aucune illusion sur la bassesse et la turpitude des moyens auxquels ils ont re-