Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/165

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tent de la mépriser, ne sont pas non plus ses meilleurs ni ses plus honorables échantillons.

Mais c’est aux aventures de Ralph lui-même que nous avons affaire. Ralph se tenait donc debout, regardant Newman Noggs d’un air renfrogné pendant que l’élégant commis ôtait ses gants sans doigts, les étendait soigneusement sur la paume de sa main gauche, les étalant avec sa main droite pour en polir les plis, et se disposait à les rouler de l’air le plus affairé, comme s’il oubliait en ce moment tout autre soin devant l’intérêt majeur de ce cérémonial.

« Parti de Londres ! dit Ralph lentement, vous vous serez trompé, vous retournerez.

— Pas trompé, répliqua Newman, pas même partant, parti.

— Ce n’est donc plus un homme ! Est-ce une femme ou un enfant ? marmotta Ralph avec un geste courroucé.

— Je ne sais pas, dit Newman, mais il est parti. »

Plus le mot parti semblait désagréable à Ralph Nickleby, plus Newman Noggs semblait éprouver à le répéter un plaisir inexprimable. Il le prononçait à pleine bouche, appuyant dessus aussi longtemps qu’il pouvait le faire décemment ; et quand il ne pouvait plus en prolonger le son sans affectation, on voyait qu’il ouvrait encore la bouche pour se le répéter en dedans, comme si c’était au moins pour lui une consolation.

« Et où cela est-il parti ? dit Ralph.

— France, répliqua Newman,… le danger d’une seconde attaque d’érésipèle… une mauvaise attaque… à la tête. Alors les médecins lui ont ordonné de partir et il est pa-a-r-ti.

— Et lord Frédérick ?

— Il est par-ti aussi, répliqua Newman.

— Alors, il emporte avec lui ses taloches, n’est-ce pas ? dit Ralph en se détournant. Il empoche les coups, et file sans dire un mot et sans obtenir la moindre réparation !

— Il est trop malade, dit Newman.

— Trop malade ! répéta Ralph ; mais moi, j’aurais été mourant que je m’en serais vengé ; au contraire, je n’en aurais été que plus prompt à me venger, si j’avais été à sa place. Mais il est trop malade ! pauvre sir Mulberry ! trop malade ! »

En prononçant ces mots avec un suprême mépris et l’apparence d’une grande irritation intérieure, Ralph se hâta de faire signe à Newman de sortir, et, se jetant sur sa chaise, il se mit à battre du pied sur le parquet avec impatience.

« Il faut que ce garçon-là soit sorcier, dit Ralph en grinçant des dents ; les circonstances conspirent pour l’aider. Parlez-moi