Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/19

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Ralph affecta de sourire, et demanda encore de qui M. Mantalini tenait cette nouvelle.

« De Pyke, répondit Mantalini, et c’est un chien, celui-là, qui est diablement agréable avec ses beaux petits airs de gentleman ; il est diablement bouffon, avec ses prétentions de paysan endimanché.

— Eh bien, qu’est-ce qu’il vous a dit ? demanda Ralph fronçant le sourcil.

— Voilà l’histoire ; votre neveu a rencontré sir Mulberry dans un café ; il est tombé sur lui avec une férocité abominable, l’a poursuivi jusqu’à son cabriolet en jurant de ne pas le quitter jusque chez lui, quand il devrait monter sur le dos du cheval ou s’attacher à sa queue. Il lui a cassé la figure (une diable de belle figure dans son état naturel !), il a effrayé le cheval, s’est fait jeter par terre avec sir Mulberry, et…

— Et s’est tué ? interrompit Ralph l’œil étincelant d’espérance, n’est-ce pas ?… il est mort ? »

Mantalini fit signe de la tête qu’il n’en était rien.

« Ouf ! dit Ralph en détournant la tête, il ne s’est donc rien fait ?… — Attendez un moment, ajouta-t-il en se retournant vers Mantalini. Mais au moins s’est-il cassé un bras, une jambe ? s’est-il démis l’épaule ? s’est-il cassé le cou ? s’est-il enfoncé une ou deux côtes ? En attendant la potence, est-ce qu’il n’a pas attrapé quelque bonne blessure bien douloureuse, bien longue à guérir, pour la peine ? Voyons ! vous avez dû entendre parler de cela ?

— Non, répondit Mantalini branlant encore la tête. À moins qu’il n’ait été brisé en tant de petits morceaux que le vent n’a eu qu’à souffler dessus pour les emporter, je n’ai pas entendu dire qu’il ait du mal ; au contraire, il est parti aussi tranquille et aussi bien portant que… que le diable, dit M. Mantalini après avoir été un peu longtemps dans l’embarras pour trouver cette comparaison.

— Et dit-on, demanda Ralph avec un peu d’hésitation, quelle a été la cause de la querelle ?

— Vraiment ! répondit M. Mantalini d’un ton d’admiration, vous êtes bien le plus habile démon que je connaisse, le plus rusé, le plus fin, le plus superlatif vieux renard : sapristi ! dire que vous allez maintenant faire semblant d’ignorer que c’est la petite nièce aux yeux éveillés… la plus gracieuse, la plus douce, la plus jolie !…

— Alfred ! cria Mme Mantalini le rappelant à l’ordre.

— Elle a raison, toujours raison, reprit M. Mantalini d’un ton