Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/193

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ment aussi serviable et aussi complaisant qu’on peut l’être, mais est-ce qu’on ne pourrait pas arranger cela à l’amiable ? Qui empêcherait, par exemple, le père de M. Snawley de nous payer une petite pension pour son fils ? On pourrait convenir de lui donner du poisson deux fois la semaine, deux fois du pudding, ou du baba, ou quelque chose comme cela ; il me semble que tout le monde trouverait son compte à cet arrangement. »

Ce mezzo-termine, malgré les larmes et les soupirs dont il était accompagné, était trop raisonnable pour avoir le moindre succès. Personne n’y fit seulement attention, et la pauvre Mme Nickleby en fut quitte pour développer à Mme Browdie les avantages de ce plan incompris, et tous les malheurs qui avaient résulté dans mainte et mainte occasion de ce qu’on n’avait pas suivi ses avis.

« Vous, monsieur, dit Snawley s’adressant à Smike, qui tremblait de tous ses membres, vous êtes un fils ingrat, dénaturé, méchant. Vous ne voulez pas que je vous aime d’un amour qui ferait mon bonheur. Voulez-vous venir à la maison ?

— Non, non, cria Smike, reculant de plus belle.

— Il n’a jamais aimé personne, braillait Squeers, toujours par le trou de la serrure.

« Il ne m’a jamais aimé moi-même ; il n’a jamais aimé Wackford, un vrai chérubin. Comment voulez-vous après cela qu’il aime son père ? Il ne l’aimera jamais son père : jamais. Est-ce qu’il sait seulement ce que c’est que d’avoir un père ? Est-ce qu’il peut comprendre cela ? Il est trop bouché. »

M. Snawley regarda fixement son fils pendant une bonne minute, puis se couvrant les yeux d’une main et levant son chapeau de l’autre vers le ciel, parut tout entier à sa douleur de voir une si noire ingratitude. Enfin, essuyant ses yeux sur sa manche, il ramassa le chapeau de M. Squeers, le mit sous son bras, le sien sous l’autre, et sortit d’un pas lent et mélancolique.

Ralph ne resta qu’un instant après lui pour dire à Nicolas : « Vous voyez, dans tous les cas, monsieur, que votre roman est tombé dans l’eau. Il ne s’agit plus ici d’un inconnu : ce n’est plus le fils persécuté d’un grand personnage. C’est tout bonnement le fils idiot, imbécile, d’un pauvre petit commerçant. Nous verrons ce que va devenir votre haute sympathie devant une découverte aussi commune.

— Vous le verrez, dit Nicolas, en lui montrant la porte.

— Je veux que vous sachiez bien, monsieur, ajouta Ralph, que je n’ai jamais assez compté sur votre bon sens pour croire que