Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/216

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— Ma foi ! diable soit de M. Noggs si vous voulez, répliqua Gride, ce n’est pas moi qui vous contredirai là-dessus. Le nom de la demoiselle est donc…

— Voyons ! dit Ralph, dont les lenteurs et l’hésitation du vieil Arthur irritaient la curiosité ; son nom ?

— Madeleine Bray ! »

Arthur Gride avait paru compter sur ce nom pour produire de l’effet sur Ralph ; mais, s’il produisit quelque effet, il n’y parut guère sur sa physionomie ; et, loin de trahir la moindre émotion, il répéta ce nom avec calme à plusieurs reprises, comme s’il cherchait à se rappeler où et quand il l’avait déjà entendu prononcer.

« Bray ! dit Ralph, Bray ! j’ai connu un jeune Bray qui… Mais non, il n’avait pas de fille.

— Comment ! vous ne vous rappelez pas Bray ? répondit le vieil Arthur.

— Non, dit Ralph le regardant d’un air impassible.

— Walter Bray ! ce beau des beaux, qui a rendu sa jolie femme si malheureuse ?

— Si vous n’avez pas d’autre marque distinctive que celle-là pour me rappeler votre beau des beaux, dit Ralph en haussant les épaules, comment voulez-vous que je le reconnaisse parmi les neuf dixièmes de tous les beaux que j’ai jamais connus ?

— Ta, ta, ta ! Ce Bray, qui habite maintenant dans les limites privilégiées du Banc du Roi ; vous ne pouvez pas avoir oublié Bray ; nous avons fait assez d’affaires avec lui tous les deux ; il vous doit même de l’argent.

— Ah ! celui-là ? répliqua Ralph ; bon ! bon ! vous commencez à vous expliquer plus clairement. Ah ! c’est la fille de celui-là dont vous me parlez ? »

Ces paroles avaient beau être dites du ton le plus naturel du monde ; sous ce ton naturel, le vieil Arthur Gride, qui n’était pas un sot, aurait dû reconnaître l’intention secrète de Ralph, de l’amener à donner des explications et des détails plus développés qu’il n’en avait envie, ou que Ralph n’aurait pu vraisemblablement s’en procurer autrement ; mais le vieil Arthur, entraîné par la conversation, donna dans le piège et prit au sérieux l’incertitude apparente qu’avait montrée son ami.

« Je savais bien qu’il ne vous faudrait pas longtemps pour vous le rappeler.

— Vous avez raison, répondit Ralph ; mais, voyez-vous, le vieil Arthur Gride et le mariage sont des mots qui jurent tellement ensemble que vous m’aviez troublé. Le vieil Arthur Gride,