Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/246

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— Je parie qu’il faisait sa petite promenade de tous les soirs, et qu’il venait se reposer à la maison avant de retourner à la Cité, dit Mme Nickleby.

— Je le pense comme vous, répliqua miss la Creevy, d’autant plus qu’il était avec M. Frank Cheeryble.

— Ce n’est sûrement pas là, dit Catherine, ce qui vous fait croire qu’il doive venir ici ?

— Je vous demande pardon, ma chère. M. Frank Cheeryble n’est pas un grand marcheur pour son âge, et je remarque que généralement il tombe de fatigue et se sent le besoin de se reposer longtemps quand il est venu jusqu’ici. Mais où est mon bon ami ? continua la petite femme cherchant autour d’elle, après un coup d’œil malin à l’adresse de Catherine. Il ne s’est pas sauvé encore une fois, je suppose ?

— Ah ! vous parlez de M. Smike, dit Mme Nickleby ; il était ici il n’y a qu’un instant. »

Après information, on sut, au grand étonnement de la bonne dame, que Smike venait au moment même de monter se coucher.

« Là ! voyez ! dit Mme Nickleby, quelle étrange créature ! Mardi dernier,… était-ce mardi ? mais oui, pour sûr… ; vous vous rappelez, ma chère Catherine, la dernière fois qu’est venu le jeune M. Cheeryble ;… mardi dernier donc, il a fait absolument de même, juste au moment où il a entendu frapper à la porte. Ce ne peut pas être par répugnance pour le monde, car il aime toutes les personnes qui aiment Nicolas, et il sait si M. Frank Cheeryble est de ce nombre. Mais ce qu’il y a de plus étrange là-dedans, c’est qu’il ne se couche pas : ce n’est donc pas pour se reposer qu’il se retire. Or, je sais qu’il ne se couche pas, car ma chambre est tout contre la sienne et, mardi dernier, quand je suis montée, plusieurs heures après lui, je n’ai pas même vu ses souliers à la porte, et cependant il n’avait pas de chandelle : il faut qu’il soit resté là dans l’obscurité à bouder sur sa chaise. Ma parole, quand je pense à cela, je trouve que c’est bien extraordinaire. »

Comme elle ne trouva pas d’écho parmi ses auditeurs, qui gardaient un profond silence, soit parce qu’elles ne savaient que dire, soit par discrétion pour ne pas l’interrompre, Mme Nickleby, selon sa vieille habitude, se mit à suivre le fil de son discours.

« J’espère, dit-elle, que, malgré cette conduite inexplicable, il n’en est pas cependant à se mettre au lit pour y passer toute sa vie, comme la femme altérée de Tutbury ou le revenant de Cock-Lane, et d’autres êtres non moins fantastiques. Par parenthèse, il y en avait un des deux qui avait avec nous quelques