Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/249

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Timothée avaient pris le dé et ne le rendaient pas… Elle se tenait à part des interlocuteurs, assise à la fenêtre, à regarder l’ombre du soir qui s’avançait dans le ciel, à jouir des beautés calmes de la nuit ; doux spectacle qui n’avait pas apparemment moins d’attrait pour Frank, car il commença par rester près de là le nez en l’air, puis il prit une chaise près d’elle, par sympathie. Après cela, tout le monde sait qu’on a tant de choses à se dire sur une soirée d’été, et qu’on ne se les dit jamais mieux qu’à voix basse, pour mieux se conformer au repos tranquille de ces heures sereines. N’est-ce pas aussi le moment où le dialogue s’interrompt par de longues pauses ? Puis il se ravive par un mot ou deux, dits avec expression. Vient ensuite un intervalle de silence, qui n’est pourtant pas un silence parfait, car on détourne la tête, on baisse les yeux vers la terre… On est encore sujet à d’autres habitudes qui ne valent pas la peine d’en parler. Par exemple, on n’aime pas à voir allumer les bougies, on confond les heures avec les minutes : toutes influences naturelles et irrésistibles de ce temps de la journée qu’on appelle le soir, comme pourraient l’attester tant de livres aimables qui nous prêteraient au besoin leur témoignage. Et voilà pourquoi Mme Nickleby avait grand tort, lorsqu’on finit par apporter les bougies, de se montrer surprise que les yeux brillants de Catherine se refusassent à soutenir l’éclat des lumières, qu’elle fut obligée de commencer par détourner la tête, et même par sortir un moment pour se réconforter. Ce n’était pourtant pas bien extraordinaire. Quand on est restée assise si longtemps dans les ténèbres, il n’y a rien d’éblouissant comme la lumière des bougies, et vous n’avez qu’à demander à toutes les jeunes personnes, elles vous diront qu’il n’y a rien là que de très naturel. Ce n’est pas que les vieilles gens l’ignorent ; mais il y a si longtemps qu’ils le savent, qu’ils oublient quelquefois ces choses-là, et c’est bien dommage.

Cependant la surprise de la bonne dame ne finit pas là. Elle redoubla plutôt, quand elle fit la découverte que Catherine n’avait pas le moindre appétit à souper. Personne même ne pourrait dire tous les efforts de rhétorique que Mme Nickleby, dans son inquiétude, se préparait à faire pour persuader à sa fille d’avoir faim, lorsque l’attention générale fut, pour le moment, attirée par un bruit étrange et d’autant plus merveilleux qu’au dire de la servante pâle et tremblante (et chacun put s’assurer qu’elle avait raison), ce bruit descendait par la cheminée de la chambre voisine.

Quand une fois chacun se fut bien convaincu, malgré l’invrai-