Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/25

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poche un paquet de clefs, et marmottant entre ses dents qu’il n’avait que des écus et pas de menue monnaie.

— Je crois que si, dit Ralph sans se presser, et tirant d’un vieux tiroir, après force recherches, un gros sou, un petit sou et une pièce de deux liards.

— Merci, dit Squeers en les donnant à son fils. Tenez, allez acheter une tarte. Le clerc de M. Nickleby va vous conduire chez le pâtissier. Surtout achetez-en une bien nourrissante. La pâtisserie, ajouta M. Squeers en fermant la porte sur maître Wackford, lui rend la peau luisante, et les parents prennent cela pour un signe de bonne santé. »

Après cette explication, assaisonnée de petits airs fins et narquois, M. Squeers prit sa chaise, et la porta vis-à-vis de M. Nickleby pour le voir de plus près ; puis, l’ayant plantée là à son entière satisfaction, il s’assit dessus.

« Écoutez-moi bien, » dit Ralph se penchant un peu vers lui.

Squeers fit signe de la tête qu’il écoutait avec attention.

« Je ne suppose pas, continua Ralph, que vous soyez assez simple pour pardonner ou pour oublier, de gaieté de cœur, les violences dont vous avez souffert, ni la honte de cet affront.

— Pas si bête ! répliqua Squeers vivement.

— Ou pour perdre l’occasion de les rendre avec usure, s’il s’en présentait une ?…

— Donnez-m’en une, et vous verrez.

— Est-ce pour quelque chose comme cela que vous êtes venu me voir ? dit Ralph levant les yeux sur le maître de pension.

— N… n… non, que je sache, répliqua Squeers ; c’était seulement dans l’espérance qu’il vous serait possible d’ajouter à la bagatelle que vous m’avez déjà envoyée quelque argent de plus pour me dédommager de…

— Ah ! cria Ralph, l’interrompant. Il est inutile d’aller plus loin. »

Après un assez long silence, pendant lequel Ralph paraissait tout entier à ses réflexions, il reprit la parole pour faire cette question :

« Qu’est-ce que c’est que ce garçon qu’il a emmené avec lui ? »

Squeers dit son nom.

« Était-il jeune ou vieux, robuste ou maladif, doux ou mutin ? Voyons, parlons franchement, reprit Ralph.

— Mais il n’était pas jeune, répondit Squeers, c’est-à-dire pas jeune pour un petit garçon, vous savez.

— Cela veut dire que ce n’était pas du tout un petit garçon, n’est-ce pas ?