Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/278

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— Comment, pas convenable ? si j’étais que de vous, je porterais mes habits de tous les jours, bravement… hein !

— Ils ne sont pas assez bien, Peg, lui répondit son maître.

— Pas assez quoi ?

— Bien.

— Bien pour quoi ? répliqua Peg d’un ton bourru ; ils seront toujours assez bien pour le vieux qui les porte. »

Arthur Gride marmotta une imprécation contre la surdité de sa gouvernante, et lui cria dans l’oreille :

« Ils ne sont pas assez gaillards ; je veux que tout le monde me regarde pour admirer ma tournure.

— Regarde ! cria Peg ; si elle est aussi jolie que vous dites, elle ne vous regardera pas beaucoup, maître, vous pouvez en être sûr ; et quant à vous faire regarder, que vous soyez jaune, rémoulade, vert-bouteille, bleu de ciel ou carreaux écossais, vous n’y gagnerez pas grand’chose. »

Charmée du compliment consolant qu’elle venait de lui faire, Peg Sliderskew se mit à ramasser l’habillement favorisé d’une préférence par Arthur Gride, le prit en paquet dans ses bras décharnés et resta là à faire des grimaces, à rire du coin de la bouche, à cligner ses yeux humides, comme un de ces marmousets dont le sculpteur s’est amusé à sabrer la figure dans quelque bas-relief fantastique.

« Ah ! vous êtes d’humeur à rire aujourd’hui, à ce qu’il paraît, Peg, lui dit son maître d’assez mauvaise grâce.

— Dam, n’y a-t-il pas de quoi ? reprit la petite vieille, je ne rirai pas toujours, et peut-être même avant peu, s’il vient quelqu’un ici pour me commander en maître, car je suis bien aise de vous le dire, Peg Sliderskew ne se laissera pas monter sur le dos ; il y a trop d’années qu’elle dirige la maison ; mais vous le savez bien, je n’ai pas besoin de vous le dire, cela ne m’irait pas, d’abord ; non, non, ni à vous non plus. Vous n’avez qu’à essayer, et vous serez bientôt ruiné, ruiné, ruiné.

— Dieu ! Dieu ! je n’ai garde de l’essayer jamais, dit Arthur Gride effrayé rien que d’entendre prononcer ce mot : du diable si j’essaye ! Ce ne serait déjà pas si difficile de me ruiner ; il faut, au contraire, que nous redoublions de soins, d’économie, car nous allons avoir une bouche de plus dans la maison ; seulement, il ne faut pas…, il ne faut pas que notre économie aille jusqu’à lui faire perdre sa bonne mine, car j’ai bien du plaisir à la voir comme cela.

— Prenez garde, vous pourriez bien finir par trouver que