Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/285

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— Vous ferez bien de vous en rafraîchir la mémoire, monsieur, dit Ralph d’un air menaçant.

— Quand je vous dis, répliqua Newman hardiment, que je ne le connais pas. Il est venu ici deux fois demander après vous : vous n’y étiez pas. Il est revenu : vous l’avez mis à la porte, vous-même. Il a dit s’appeler Brooker.

— Je sais bien tout cela, dit Ralph ; mais après ?

— Mais après ? Eh bien, il a rôdé autour de la maison ; il m’a suivi dans la rue. Tous les soirs il vient me tourmenter pour que je lui donne les moyens de se trouver avec vous, face à face, comme il prétend s’y être trouvé déjà une fois, il n’y a pas encore longtemps. Il veut, dit-il, vous voir seulement face à face, et alors vous ne demanderez pas mieux que de l’entendre jusqu’au bout, toujours à ce qu’il dit.

— Et que répondez-vous à cela ? demanda Ralph jetant un coup d’œil perçant à son souffre-douleur.

— Que cela ne me regarde pas ; que je ne veux pas l’introduire chez vous ; qu’il n’a qu’à vous attraper dans la rue, si c’est là tout ce qu’il demande. Mais non, il ne veut pas de cela : vous refuseriez de l’écouter comme cela, à ce qu’il dit. Il faut qu’il vous tienne seul dans une chambre, la porte fermée à clef, à vous parler sans crainte, et alors il vous fera bien changer de ton, et vous forcera bien à l’écouter patiemment.

— L’impudent gredin ! murmura Ralph entre ses dents.

— Je n’en sais pas davantage, dit Newman, et je vous répète que je ne le connais pas. Peut-être lui-même n’en sait-il pas plus là-dessus que vous, qui pourriez bien le connaître mieux que personne.

— Je ne dis pas non, répliqua Ralph.

— Eh bien ! répliqua Newman de mauvaise humeur, ce n’est pas une raison pour me dire que je le connais, voilà tout. Vous allez peut-être aussi me demander pourquoi je ne vous en ai jamais parlé auparavant : avec cela que je serais bien reçu à vous conter tout ce qu’on dit de vous ! Quand, par hasard, cela m’arrive, qu’est-ce que j’y gagne ? que vous m’appelez un âne, une brute, et que vous prenez feu comme un dragon volant. »

Tout cela était exact, et Newman avait fait preuve d’adresse en allant au-devant d’une question qui était en effet déjà sur les lèvres de Ralph.

« C’est un fainéant, un sacripant, dit celui-ci, un vagabond qui s’est échappé de Botany Bay, où il faisait un voyage pour ses crimes ; un coquin qu’on aura lâché pour qu’il allât se faire pendre ailleurs ; un filou qui a l’audace de se frotter à moi, quoi-