Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/309

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à moins que vous n’ayez encore des… ha ! ha !… des commandes.

— Je n’en ai pas, dit Nicolas, et vous me rendrez la justice que, par considération pour votre ancienne situation dans le monde, je ne me suis pas servi de ce terme, ni d’aucun autre qui, bien innocent en lui-même, aurait pu être interprété comme une prétention de ma part ou comme une dépendance de la vôtre. Non, je n’ai pas de commandes, je n’ai que des craintes… des craintes que je suis venu vous exprimer, au risque de vous déplaire… Je crains donc que vous ne condamniez cette jeune demoiselle à un pire supplice que de soutenir votre existence par le travail de ses mains, dût-elle y perdre la santé et la vie. Voilà ce que je crains, et c’est sur votre propre conduite, sur votre ton railleur avec moi, que je fonde ces craintes. Je laisse à votre conscience, monsieur, le soin de vous dire si elles sont vraies ou mensongères.

— Au nom du ciel ! cria Madeleine se jetant toute tremblante au travers de leur conversation ; n’oubliez pas, monsieur, qu’il est malade.

— Malade ! cria l’autre suffoqué et respirant à peine ; malade ! malade ! Un méchant calicot viendra m’insulter à mon nez et à ma barbe, et elle le prie, par pitié pour moi, de ne pas oublier que je suis malade ! »

Aussitôt son mal lui reprend avec une telle violence que Nicolas craignit un moment pour sa vie ; mais l’ayant vu revenir de sa syncope, il se retira après avoir fait comprendre par un signe à la demoiselle qu’il avait quelque chose d’important à lui communiquer, et qu’il allait l’attendre sur le palier. De là il put entendre le père rependre connaissance petit à petit, sans pourtant faire la moindre allusion à la scène qui venait de se passer, comme s’il n’en avait qu’un souvenir confus. Il finit par demander qu’on le laissât seul.

« Ah ! se dit Nicolas ; si cette faible chance qui se présente pouvait au moins n’être pas perdue ! Si je pouvais réussir à obtenir d’elle huit jours seulement de réflexion !

— Vous avez, sans doute, quelque commission pour moi ? dit Madeleine en venant le retrouver dans un état de grande agitation ; mais, je vous en prie, je vous en supplie, veuillez la remettre de quelques jours : après-demain… vous pourrez venir.

— Ce sera trop tard… trop tard pour ce que j’ai à vous dire, répondit Nicolas ; et d’ailleurs, vous ne serez plus ici. Ah ! madame, pour peu que vous croyiez devoir une pensée à celui qui m’a envoyé près de vous ; pour peu que vous n’ayez pas sacrifié