Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/340

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

chambre avec une précaution étudiée, faite pour agacer les nerfs d’un malade cent fois plus que l’arrivée d’un carabinier au grand galop, comment vous trouvez-vous ce soir ? Vous allez mieux, j’espère ?

— Presque bien, maman, se hâtait de répondre Catherine, en posant son ouvrage pour prendre dans sa main la main de Madeleine.

— Catherine, reprenait Mme Nickleby d’un ton de reproche, ne parlez donc pas si haut. » Et la bonne dame avait une manière de parler tout bas qui aurait glacé le sang d’un hercule dans ses veines.

Catherine acceptait tranquillement ce reproche immérité, et Mme Nickleby, qui faisait craquer toutes les planches du parquet et voltiger tous les rideaux en marchant doucement à sa manière, sur la pointe du pied :

« Mon fils Nicolas, ajoutait-elle, vient de rentrer à l’instant, et je viens moi-même, comme d’habitude, ma chère, savoir de votre propre bouche, avec exactitude, comment vous vous trouvez, car il ne s’en rapporterait pas à moi, il veut que ce soit de vous que je tienne mes nouvelles.

— Il est rentré plus tard que d’habitude ce soir, disait quelquefois Madeleine, d’une bonne demi-heure.

— Là ! je n’ai jamais vu de ma vie des gens comme vous, vraiment, s’écriait Mme Nickleby dans le plus grand étonnement ; jamais de ma vie. Je ne me doutais pas le moins du monde que Nicolas fût en retard. M. Nickleby disait toujours : Catherine, ma chère enfant, c’est de votre pauvre cher papa que je parle, il disait toujours qu’il n’y avait pas de meilleure pendule au monde que l’appétit ; et cependant vous, ma chère demoiselle Bray, ce n’est pas l’appétit qui vous règle. Plût à Dieu que vous en eussiez davantage ; et, j’y pense, pourquoi donc ne vous fait-on pas prendre quelque chose pour vous donner de l’appétit ? Je ne sais pas si c’est vrai, mais j’ai entendu dire qu’il n’y a rien qui donne de l’appétit comme deux ou trois douzaines de petits homards anglais, quoique, à vrai dire, cela me paraisse un cercle vicieux : car, enfin, pour les manger, il faut commencer par avoir de l’appétit. Qu’est-ce que je dis donc, des homards ! c’est des huîtres que je voulais dire, mais cela revient au même… je ne m’explique toujours pas comment vous pouvez calculer le retour de Nicolas avec tant de…

— Nous parlions justement de lui dans l’instant, maman ; c’est pour cela que…

— Il me semble, Catherine, que vous ne parlez jamais d’au-