Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/374

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— Qu’est-ce que vous voyez là ? dit Peg.

— Oh ! rien, répliqua Squeers ; je regardais seulement. »

Newman, le fougueux Newman, levait encore le bras armé du soufflet. Mais Frank, par un geste rapide, le lui retint encore, sans faire de bruit.

« Tenez ! dit Squeers, des billets… gardez-moi cela. Une cédule de procureur… cela aussi… Deux garanties ; ayez-en soin. Résiliation de bail ; au feu… Ah ! Madeleine Bray !… à l’époque de son mariage ou de sa majorité, ladite Madeleine… Tenez ! brûlez-moi ça. »

Mais il se garda bien de le passer à la vieille ; il lui substitua un vieux parchemin qu’il tenait exprès d’avance à la main, et, pendant qu’elle avait le dos tourné, il fourra dans la poche de côté de sa grande houppelande le titre dont l’intitulé avait frappé sa vue, et poussa un cri de triomphe.

« Je le tiens ! je le tiens ! hourra ! Le plan était bon, malgré les chances contraires, et nous y voilà enfin ! »

Peg demanda ce qu’il avait à rire, mais sans obtenir de réponse. Il fut impossible de retenir plus longtemps le bras de Newman. Le soufflet, descendant de tout son poids sous la main vigoureuse de Noggs sur le crâne de M. Squeers, le renversa sur le carreau, et l’étendit de tout son long, privé de sentiment.


CHAPITRE XXVI.

Clôture d’un des épisodes de cette histoire.

Pour adoucir à son malade la fatigue d’un si long voyage, dans l’état d’épuisement où il se trouvait, Nicolas en fit deux journées. À la fin de la seconde, il arriva à quelques kilomètres du lieu où il avait passé les plus belles années de sa vie. Il y retrouvait, avec des pensées douces et paisibles, le souvenir vivant et pénible des circonstances qui l’avaient exilé avec sa famille de leur ancienne résidence, pour aller errer dans la solitude du monde, à la merci des étrangers.

Il n’avait pas besoin de ces réflexions que la mémoire du passé et le retour vers les scènes de notre jeunesse éveillent d’ordinaire dans les âmes les plus insensibles, pour sentir son cœur s’attendrir et le rendre plus compatissant encore aux souffrances