Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/390

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bien des choses, et disparut. Un moment après il revint introduire Ralph chez les deux frères et resta avec eux dans leur cabinet.

« C’est à la personne qui est venue me parler ce matin que je désire parler à mon tour, dit Ralph montrant du doigt le frère Charles, qui lui répondit tranquillement qu’il n’avait pas de secrets pour son frère Ned, pas plus que pour Tim Linkinwater.

— Moi, j’en ai, dit Ralph.

— Monsieur Nickleby, dit le frère Ned, le sujet dont mon frère était allé vous entretenir ce matin est de ceux que nous connaissons parfaitement tous les trois, et nous ne sommes pas les seuls, et malheureusement il y en aura bien davantage encore bientôt qui pourront le connaître. Si nous sommes allés chez vous ce matin, monsieur, c’était purement et simplement par délicatesse et par convenance. Nous trouvons que ce sentiment de délicatesse et de convenance serait maintenant déplacé ; et, si vous voulez que nous en conférions ensemble, il faut que ce soit avec nous trois, ou pas.

— À la bonne heure, messieurs ! dit Ralph dont les lèvres étaient retroussées par un frémissement de colère concentrée. Il paraît que, votre frère et vous, vous avez le don de parler par énigmes ; je suppose que votre commis, en homme bien avisé, aura étudié le même art avec le même succès pour mieux entrer dans vos bonnes grâces. Allons ! je veux bien vous passer cela.

— Vous passer cela ! cria Tim Linkinwater offensé pour la maison Cheeryble jusqu’à en devenir rouge comme le feu. Il veut bien nous passer cela ! Il veut bien passer cela à Cheeryble frères ! L’entendez-vous ? L’entendez-vous dire qu’il passera quelque chose à Cheeryble frères ?

— Timothée, dirent ensemble Ned et Charles, allons ! Timothée, allons ! du calme. »

Timothée, pour leur complaire, étouffa son indignation comme il put, et la laissa exhaler seulement à travers ses lunettes, en y joignant de temps en temps, comme soupape de sûreté, un petit rire hystérique qui paraissait l’aider puissamment à contenir son courroux.

« Comme personne ne m’offre un siège, dit Ralph regardant autour de lui, je vais en prendre un, car je suis las. Et, à présent, messieurs, je désire savoir… je demande à savoir, j’en ai le droit, ce que vous avez à me dire, qui puisse justifier le ton que vous prenez, et quelle est cette intervention indirecte que j’ai raison de supposer que vous vous permettez d’exercer dans mes propres affaires. Je vous dirai franchement, messieurs, que,