Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/394

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à qui mieux mieux la parole. Enfin, après une scène de confusion générale, Ralph put apprendre distinctement :

Que Newman, ayant reçu la parole solennelle d’un tiers, qu’on ne pouvait pas produire, que Smike n’était pas le fils de Snawley, et qu’il était prêt à en prêter serment en justice, si c’était nécessaire, cette première révélation les avait amenés à douter de la valeur de la réclamation de paternité sur laquelle, sans cela, ils n’avaient aucune raison d’élever une contestation, tant qu’elle se fondait sur des témoignages et des pièces qu’ils n’avaient pas qualité pour désavouer. Que, soupçonnant dès lors l’existence d’un complot, ils n’avaient pas eu de peine à en faire remonter l’origine à la malignité de Ralph, secondée par l’avarice et l’esprit vindicatif de Squeers. Mais, comme prouver et soupçonner sont deux, un jurisconsulte éminent, renommé pour sa sagacité et sa pénétration dans ces sortes d’affaires, leur avait donné le conseil de procéder, dans leur résistance aux prétentions de la partie adverse, avec autant de mesure et de ménagements que possible ; de s’attacher à Snawley, la cheville ouvrière de toutes ces fausses allégations ; de tâcher de l’amener, si on pouvait, à se contredire et à se couper ; de le harceler par tous les moyens, de le prendre par la crainte, par la considération de sa sûreté personnelle, de le pousser à divulguer tout le plan prémédité, à livrer son instigateur et tout autre complice ; que tout cela avait été conduit avec beaucoup d’habileté ; mais que Snawley, qui n’était pas novice dans ces basses intrigues, avait réussi, par son esprit rusé, à déjouer toutes leurs tentatives, jusqu’au moment où une circonstance inespérée l’avait mis à leurs pieds, la veille au soir.

Et voici comment : quand on avait su de Newman Noggs que Squeers était revenu à Londres, et qu’il avait eu avec Ralph une conférence si secrète, que celui-ci avait cru prudent de renvoyer son clerc, pour qu’il n’en entendît rien, on mit le maître de pension en surveillance, dans l’espérance de tirer de ses démarches quelque lumière pour éclaircir l’intrigue supposée. Quand on vit qu’il n’entretenait plus aucune communication avec Ralph ni avec Snawley, on crut avoir fait fausse route. On cessa de le faire surveiller, et peut-être aurait-on entièrement renoncé à s’occuper de lui, si Newman Noggs ne l’avait pas aperçu un soir, par hasard, en conversation dans la rue avec M. Nickleby. Il les avait suivis, et, à sa grande surprise, il les avait vus entrer dans un grand nombre de maisons garnies, de bas étage, dans des espèces de tapis-francs, repaires de joueurs et de banqueroutiers, de la connaissance de Ralph. Là,