Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/408

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mort et enterré. Soit que cela dérangeât quelque projet qu’il avait en tête, soit qu’il ne fût pas entièrement dépourvu de quelque sentiment d’affection naturelle, le fait est qu’il en montra du chagrin, ce qui me confirma dans mon dessein de lui faire cette révélation plus tard, pour en tirer de l’argent. J’avais entendu parler, comme bien d’autres, des pensions du Yorkshire. J’emmenai l’enfant dans une de ces maisons tenue par un nommé Squeers, et je l’y laissai sous le nom de Smike que je lui donnai. Chaque année j’envoyais le prix de la pension ; c’est cinq cents francs par an que j’ai donnés pour lui, pendant six ans, sans jamais souffler un mot de mon secret pendant ce temps-là, car j’avais fini par être si mal au service du père, que je l’avais laissé là après des querelles répétées. J’ai été transporté. Je suis resté, pour faire ma peine, absent d’Angleterre à peu près huit ans. Aussitôt que je fus rentré, je n’ai rien de plus pressé que de faire le voyage du Yorkshire ; je me cache un soir dans le village, je prends des informations sur les pensionnaires, et j’apprends que justement celui que j’avais placé là venait de se sauver avec un jeune homme qui portait le même nom que le père de Smike. Je me mets à chercher dans Londres M. Nickleby : je le vois, je lui parle, je cherche à lui faire comprendre que j’ai un secret à lui dire, en lui demandant un petit secours d’argent pour m’aider à vivre ; il me reçoit avec des menaces. Alors je rencontre son clerc, et, de fil en aiguille, je lui montre qu’il peut avoir de bonnes raisons pour entrer en pourparlers avec moi ; je finis par lui confier ce qui se passe ; c’est moi, enfin, qui lui ai dit que le jeune homme n’était pas le fils de celui qui le réclamait comme étant son père. Pendant tout ce temps-là je n’avais pas encore revu Smike. Je finis par apprendre de la même source qu’il était malade et l’endroit où il était. Je me mets en route pour tâcher, s’il est possible, d’aller me rappeler à son souvenir, afin de donner plus de poids à mon récit. J’arrive jusqu’à lui à l’improviste, mais, avant que je puisse seulement lui adresser la parole, il me reconnaît : il était bien payé pour ne pas m’avoir oublié, le pauvre garçon ; et moi, de mon côté, j’aurais juré que c’était bien lui quand je l’aurais rencontré dans les Indes. C’était bien encore la même figure piteuse que je lui avais connue quand il était tout petit. Je reste indécis quelques jours ; enfin je vais trouver le jeune monsieur qui en avait soin, mais il m’apprend sa mort. Il peut vous dire comme Smike m’avait reconnu tout de suite, combien de fois il lui a fait mon portrait comme l’ayant conduit et laissé à la pension, combien de fois il lui a parlé d’un grenier comme étant resté dans son