Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/432

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mariage ou de sa majorité, maîtresse de sa fortune. Vous m’avez bien compris ?

— Certainement, » dit Frank. Nicolas, qui n’osait pas dire un mot, de peur que le timbre de sa voix ne trahît sa faiblesse, inclina seulement la tête par forme d’assentiment.

« C’est vous, Frank, qui avez bien voulu vous charger du recouvrement de ce titre. La fortune n’est pas considérable ; mais nous avons de l’amitié pour Madeleine, et, quelle que soit la modicité de son bien, nous aimerions mieux vous voir allier avec elle qu’avec tout autre demoiselle de notre connaissance qui aurait le triple de la dot ; vous conviendrait-il de demander sa main ?

— Non, monsieur ; quand je me suis occupé de lui faire rendre ses droits, je la croyais déjà engagée de cœur avec une personne qui a tous les titres du monde à sa reconnaissance, et, si je ne me trompe, à son affection ; des titres que personne ne saurait lui disputer. J’ai peur de m’être trop pressé dans mon jugement à cet égard, mais…

— Vous n’en faites jamais d’autres, cria le frère Charles oubliant son air de dignité empruntée ; toujours trop pressée dans vos jugements. Comment pouvez-vous croire, Frank, que nous vous laisserons marier par intérêt, quand vous pouvez épouser par amour une jeune fille aimable et belle, un vrai modèle de mérite et de vertu ? Comment avez-vous eu la hardiesse d’aller faire la cour à la sœur de M. Nickleby, sans nous faire part de vos intentions, et sans nous charger de faire votre déclaration ?

— Je n’osais pas espérer…

— Ah ! vous n’osiez pas espérer ? Alors, raison de plus pour ne pas vous passer de notre entremise. Monsieur Nickleby, je suis bien aise de vous dire que Frank, ordinairement trop pressé dans ses jugements, ne s’est pourtant pas trompé cette fois-ci, par hasard. Il a jugé vrai. Le cœur de Madeleine est engagé. Donnez-moi la main, monsieur ; oui il est engagé avec vous, et elle ne pouvait pas faire un choix plus naturel et plus honorable. Sa petite fortune est donc à vous, mais elle vous apporte, monsieur, dans sa personne, un trésor plus précieux que si elle vous donnait cinquante fois plus. C’est vous qu’elle préfère, monsieur Nickleby : et nous, ses meilleurs amis, nous lui aurions conseillé nous-mêmes cette préférence. Quant à M. Frank, la préférence qu’il donne ailleurs n’est pas moins sûre de notre agrément. Il faut qu’il ait la petite main de votre sœur, monsieur, quand elle l’aurait refusée un million de fois ; il le faut et il l’aura ! Vous vous êtes conduit noblement, avant de con-