Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/440

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bonnes et simples paroles d’encouragement de l’honnête villageois du Yorkshire, en leur faisant ses adieux sur la route de Londres.

Madeleine et lui se mirent bien des fois à leur secrétaire pour composer en commun la lettre dans laquelle ils voulaient expliquer en détail à John leur changement de fortune, et l’assurer de la reconnaissance et de l’amitié de Nicolas. Mais, je ne sais pas comment cela se fait, ils ne purent jamais venir à bout de finir la lettre. Ils avaient beau s’y mettre avec les meilleures intentions du monde, il se trouvait qu’ils avaient toujours à parler d’autre chose, et, quand Nicolas voulut essayer de la faire à lui tout seul, il reconnut qu’il lui était impossible d’écrire la moitié de ce qu’il aurait voulu lui dire ; ou, s’il avait jeté quelques lignes sur le papier, il les effaçait bientôt, tant il était mécontent de les trouver froides et insuffisantes, par comparaison avec les sentiments qu’il aurait voulu lui exprimer. À la fin, fatigué et honteux de différer de jour en jour, sans aboutir à rien, il prit la résolution dont l’avait déjà pressé Madeleine, de faire au plus tôt un petit tour dans le Yorkshire, et d’aller tout bonnement se présenter à M. et Mme Browdie, sans autre avis.

C’est ce qui fait qu’un beau jour, entre sept et huit heures du soir, Catherine et lui s’en allèrent au bureau de la Tête de Sarrasin retenir une place pour Greta-Bridge, dans la voiture du lendemain matin. En sortant de là, ils avaient à se diriger vers le quartier occidental de Londres pour quelques emplettes de voyage, et, comme la soirée était belle, ils furent bien aises d’y aller à pied, avant de monter en voiture pour retourner chez eux.

La Tête de Sarrasin leur rappelait tant de souvenirs, et d’ailleurs Catherine avait tant à dire sur Frank, Nicolas tant d’anecdotes à raconter de Madeleine, et chacun d’eux tant de plaisir à tout entendre ; ils étaient si heureux, si confiants, si causants, qu’il y avait déjà une heure qu’ils avaient plongé dans ce labyrinthe de rues entre Seven-Dials et Soho, qui n’aboutit à aucune grande voie de communication, lorsque Nicolas commença à craindre qu’ils ne se fussent égarés.

Il n’en avait encore que la crainte ; il en eut bientôt la certitude ; car, en regardant de tous côtés, en allant voir à un bout de la rue, puis à l’autre, il ne put trouver d’indication qui l’aidât à se retrouver, et crut prudent de revenir sur ses pas pour chercher quelque endroit où il pût demander son chemin.

C’était une rue de traverse où il ne passait personne. Per-