Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/444

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du jardin ni du cottage, il alla droit à la cuisine, où il frappa gaillardement avec sa canne.

« Halloh ! cria une voix à l’intérieur ; qu’est-ce qu’il y a ? Est-ce que le bourg est en feu ? On le dirait au tapage que vous faites. »

En disant ces mots, John Browdie vint lui-même ouvrir, et ouvrit, par la même occasion, de grands yeux, jeta un cri, battit des mains, et fit éclater sa joie bruyante en disant :

« Dieu me bénisse ! c’est le parrain. C’est lui, ma foi ! Tilly, voici M. Nickleby. Donne-moi donc la main, mon garçon. Viens par ici, viens t’asseoir auprès du feu ; tu vas boire un coup avec moi. Je ne veux pas que tu dises un mot avant de m’avoir avalé ça… Là ! c’est bon. Sapristi, c’est égal ! Je suis joliment content de te voir. »

Et, pour hâter le succès de son invitation, John entraîna Nicolas dans la cuisine, le fit asseoir sur un large siège auprès d’un feu d’enfer, versa d’une dame-jeanne une bonne demi-pinte de spiritueux, lui mit le verre en main, ouvrant la bouche béante, et renversant la tête en arrière en lui faisant signe d’avaler promptement, et se tint debout devant lui avec une grimace délicieuse de satisfaction qui donnait à sa grande face rougeaude une expression de bon accueil. L’aimable géant que c’était là !

« J’aurais bien dû m’en douter, pourtant, qu’il n’y avait personne que toi qui pût venir me taper comme cela des coups de bâton à ma porte. Dis donc, est-ce comme ça que tu lui tapais… la porte, au maître d’école ? Ha ! ha ! ha ! Mais à propos… Qu’est-ce qu’on dit donc ici du maître d’école ?

— Tiens ! vous savez déjà cela ? dit Nicolas.

— Dame ! on en parlait dans le bourg hier au soir. Mais personne ne voulait y croire : c’est si drôle !

— Après bien des retards et bien des détours, reprit Nicolas, il vient d’être condamné à la déportation pour sept ans, comme receleur d’un testament volé. Mais ce n’est pas tout : il a encore à répondre d’une accusation de complicité dans un complot.

— Peste ! cria John, un complot ! Est-ce que c’est quelque chose comme la conspiration des poudres ? Hein ? quelque chose dans le genre de Guy Fawks ?

— Non, non ; c’est un complot relatif à sa pension. Je vais vous expliquer la chose.

— C’est bon ! c’est bon ! tu m’expliqueras cela plus tard. Il faut commencer par déjeuner, car tu as faim et moi aussi. D’ailleurs ne faut-il pas que Tilly soit de moitié dans toutes les explications ? Elle dit comme ça qu’il faut une confiance mu-