Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/446

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que je ne réponde pas des pensionnaires. Aussitôt qu’on a dit dans le pays que le maître était dans l’embarras, il y a déjà eu des pères et des mères qui ont envoyé retirer leurs enfants. Si ceux qui restent ont vent de la chose, vous pouvez vous attendre à une révolte, et une fameuse encore !… Quelle révolution ! le sang va-t-il couler à flots ! »

Sérieusement, John Browdie était assez inquiet pour prendre le parti de monter à cheval et d’aller sur-le-champ faire un tour à la pension, invitant Nicolas à l’accompagner. Mais celui-ci s’y refusa, par la bonne raison que sa présence ne ferait qu’ajouter au chagrin amer de ces dames.

« C’est vrai ! dit John. Je ne sais pas comment je n’avais pas pensé à cela.

— Il faut que je m’en retourne demain, dit Nicolas, mais j’ai l’intention de vous demander à dîner aujourd’hui, et, si Mme Browdie peut disposer d’un lit pour moi…

— Un lit ! cria John. Deux lits plutôt, si tu veux : nous ne t’en laisserons pas manquer. Laisse-moi seulement revenir, ce ne sera pas long, et, Dieu merci ! nous allons passer une bonne journée. »

Là-dessus, il donne à sa femme un baiser cordial, et à Nicolas une poignée de main qui ne l’était pas moins, enfourche son bidet, et le voilà parti, laissant à Mme Browdie le soin de faire ses préparatifs pour fêter son hôte, pendant que son jeune ami irait faire un tour dans le voisinage, et revoir les lieux dont le souvenir ne lui rappelait que trop, en même temps, des circonstances douloureuses.

John se met au petit galop, arrive à Dotheboys-Hall, attache son cheval à une porte, et se dirige vers celle de la pension qu’il trouve fermée en dedans à double tour et au verrou. On entendait du dehors un bruit terrible, un tapage infernal dont il eut bientôt le secret en appliquant son œil à une fente commode pour un observateur.

La nouvelle de la catastrophe de M. Squeers avait franchi, en effet, les murs de Dotheboys-Hall ; il n’y avait pas à en douter. Et, selon toute apparence, il n’y avait pas longtemps que les petits messieurs en étaient informés, car la révolte venait d’éclater.

C’était justement un jour de soufre à la mélasse, et Mme Squeers était entrée dans la chambre avec son chaudron et sa cuiller, suivie de Mlle Fanny et de l’aimable Wackford, qui, en l’absence de son père, s’était adjugé quelques menues attributions du pouvoir exécutif, comme de donner à ses jeunes amis