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famille, désormais réunie, le souvenir de la séparation et du malheur.

Bref, les Nickleby pauvres étaient unis et heureux, pendant que Nickleby le riche était seul et misérable.


CHAPITRE IV.

Scènes de la vie privée : affaires de famille. M. Kenwigs reçoit un choc violent, mais Mme Kenwigs ne va pas mal pour sa position.

Il pouvait être sept heures du soir, et il commençait à faire noir dans les rues étroites qui avoisinent Golden-square, quand M. Kenwigs envoya chercher une paire de gants blancs en chevreau, des meilleur marché, ceux de vingt-huit sous ; puis il choisit le plus fort ; il se trouva que c’était la main droite. Il descendit l’escalier d’un air agité mais majestueux, et se mit en devoir d’envelopper, pour l’assourdir, le bout du marteau de la porte d’entrée. Après cette opération, exécutée avec une rare élégance, M. Kenwigs tira la porte sur lui, et traversa la rue de l’autre côté pour voir l’effet. Après s’être assuré qu’il n’y avait rien de mieux dans son genre, M. Kenwigs revint sur ses pas, appela Morleena par le trou de la serrure pour qu’elle vînt lui ouvrir la porte, disparut dans la maison, et ne reparut plus.

À considérer la chose sous un point de vue philosophique, je serais bien embarrassé de vous dire pourquoi M. Kenwigs se donnait la peine d’envelopper ce marteau plutôt que celui de quelque noble ou de quelque gentleman à quatre lieues à la ronde, vu que, pour la plus grande commodité des nombreux locataires de sa maison, la porte d’entrée restait toujours ouverte, et que le marteau ne servait pas. Le premier étage, le second, le troisième avaient chacun leur sonnette particulière. Quant aux mansardes, elles ne recevaient jamais de visiteurs. Quiconque avait affaire dans le parloir de chaque appartement, n’avait qu’à y entrer tout droit ; il n’y avait pas à se tromper ; quant à la cuisine, on y descendait par un escalier particulier du sous-sol. Ainsi donc, à l’envisager sous le rapport de la nécessité ou même de l’utilité, cette cérémonie faite au marteau n’avait pas de raison d’être.

Oui, mais il n’est pas dit que l’on ne fait la toilette aux mar-