Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/5

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paletot de Smike, et s’en retourna à l’auberge où ils devaient passer la nuit. Là il écrivit à l’adresse de Ralph quelques lignes que Newman s’était chargé de lui remettre le lendemain. Après quoi, il essaya de trouver dans son lit le repos dont il avait tant besoin.

On dit qu’on a vu des gens, dans l’ivresse, rouler au fond des précipices et n’en ressentir aucun mal une fois qu’ils avaient retrouvé l’usage de leur raison. L’ivresse n’a pas seule ce privilège ; c’est une observation qui s’applique également à beaucoup d’autres accès de passion violente. Ce qu’il y a de sûr, c’est que, si Nicolas, en s’éveillant le lendemain, ressentit encore quelques douleurs dans les premiers moments, il n’en fut pas moins sur pied avec assez de facilité à sept heures sonnantes, et fut bientôt aussi alerte que s’il n’avait rien eu.

Après s’être contenté de jeter un coup d’œil dans la chambre de Smike, pour lui dire qu’il n’allait pas tarder à recevoir la visite de Newman Noggs, Nicolas descendit dans la rue, monta dans un fiacre, dit au cocher de le conduire chez Mme Wititterly à l’adresse que Newman lui avait donnée la veille au soir.

Il n’était encore que sept heures trois quarts quand ils arrivèrent à la place Cadogan. Nicolas commençait à craindre de ne trouver personne sur pied si matin, lorsqu’il vit avec plaisir une servante occupée à nettoyer les marches. De fonctionnaires en fonctionnaires, il arriva au soi-disant page, qui parut sur l’horizon tout échevelé, le visage échauffé et bouffi, en page qui vient de sortir du lit.

Il sut de ce jeune gentleman que Mlle Nickleby était allée faire sa petite promenade du matin dans le jardin en face. À la question de savoir s’il ne pourrait pas aller la chercher, le page répondit de manière à laisser penser que la chose était horriblement difficile. Mais à la vue de ce talisman qu’on appelle un schelling, et que Nicolas fit briller à ses yeux, le page plein d’ardeur trouva tout d’un coup la chose très facile.

« Dites à Mlle Nickleby que c’est son frère qui est ici et se meurt d’envie de la voir, » dit Nicolas.

Les boutons plaqués disparurent avec une vivacité qui ne leur était pas ordinaire, et Nicolas se mit à arpenter la chambre dans un état d’agitation fiévreuse qui lui rendait insupportable le moindre retard. Bientôt heureusement il entendit un pas léger bien connu de son cœur et de son oreille, et, avant qu’il se fût seulement détourné pour aller au-devant de sa sœur, Catherine était pendue à son cou et le baignait de larmes.