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raconté au quatrième chapitre de cette histoire. Sa maison se trouvait sur les extrêmes limites de quelques nouveaux établissements contigus à Somers town, et M. Squeers y avait loué un logement pour quelques jours, parce qu’il avait à faire à Londres un séjour un peu plus long que d’habitude, et que d’ailleurs la Tête de Sarrazin ayant appris à connaître, à ses dépens, l’appétit de maître Wackford, avait refusé de le traiter à des conditions plus favorables qu’une grande personne.

« Nous voilà ! dit Squeers bousculant Smike devant lui dans la petite salle où M. Snawley et sa femme étaient en train de manger un homard pour leur souper. Voici le vagabond, le traître, le rebelle, le monstre d’ingratitude !

— Quoi ! l’élève qui s’était sauvé ! cria Snawley laissant de saisissement retomber ses mains sur la table, le couteau et la fourchette en l’air, et écarquillant ses grands yeux.

— Lui-même, dit Squeers mettant son poing sous le nez de Smike, le retirant et recommençant plusieurs fois la même menace avec la physionomie la plus féroce. S’il n’y avait pas là une dame, je lui… mais patience, il ne perdra rien. »

Et M. Squeers se mit à raconter où, quand et comment il avait rattrapé son fugitif.

« Il est clair que c’est un coup de la Providence, dit M. Snawley baissant les yeux avec un air d’humilité, et élevant sa fourchette, avec un morceau de homard au bout, vers le plafond, pour remercier le ciel.

— Il n’y a pas de doute, c’est la Providence qui se déclare contre lui, répliqua Squeers en se grattant le nez.

— Cela ne pouvait être autrement, comme de juste. Il n’y a pas à s’y méprendre.

— Les mauvais cœurs et les mauvaises actions sont toujours punis, monsieur, dit M. Snawley.

— Il n’y a pas d’exemple du contraire, » répliqua Squeers tout en tirant de son portefeuille un petit paquet de lettres, pour voir s’il n’en avait pas perdu dans la bagarre.

Quand il fut tranquille de ce côté : « Vous voyez bien, madame Snawley, dit-il : j’ai été le bienfaiteur de ce garçon-là, je l’ai nourri, instruit, vêtu, blanchi. J’ai été l’ami de ce garçon-là, son ami universel, classique, commercial, mathématique, philosophique et trigonométrique. Mon fils, Wackford, mon propre fils, a été pour lui un frère. Mme Squeers a été pour lui une mère, une grand’mère, une tante, ah ! je pourrais même dire un oncle, enfin tout. Elle n’a jamais élevé personne dans du coton, excepté vos deux charmants, vos deux délicieux petits enfants,