Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome1.djvu/101

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et charmante créature ! le jupon d’une grande poupée qu’elle habillait pour l’enfant d’un voisin, autre poupée adulte : et, ce qui redoubla son embarras à l’arrivée inopinée d’un inconnu, elle avait suspendu par le ruban à l’une de ses belles boucles de cheveux le petit chapeau de la poupée, de peur qu’il ne s’égarât ou qu’on ne s’assît dessus. Il serait difficile, sinon impossible d’imaginer une famille aussi complètement prise à l’improviste que ne le furent, en cette occasion, les Pecksniff.

« Bon Dieu ! dit M. Pecksniff levant les yeux, et petit à petit échangeant son air absorbé contre une expression de joie en apercevant les survenants, vous voici arrivés déjà ! Martin mon cher enfant, je suis ravi de vous recevoir dans ma pauvre maison ! »

Avec ce compliment cordial, M. Pecksniff lui prit amicalement le bras et lui caressa plusieurs fois le dos de sa main droite, comme pour lui faire comprendre que ses sentiments ne trouvaient dans cet embrassement qu’une expression imparfaite.

« Mais, dit-il en se remettant, voici mes filles, Martin, mes deux filles uniques que vous n’avez vues qu’en passant, si même vous les avez vues jamais, ah ! funestes divisions de famille ! depuis le temps où vous étiez tous encore enfants. Eh bien ! mes chéries, pourquoi rougir d’être surprises dans vos occupations de tous les jours ? Nous nous étions disposés à vous recevoir en visiteur, Martin, dans notre petit salon de cérémonie, dit M. Pecksniff avec un sourire ; mais j’aime mieux ça, j’aime mieux ça. »

Ô étoile bénie de l’innocence, où que vous soyez, comme vous dûtes briller dans votre domaine éthéré, quand les deux miss Pecksniff avancèrent chacune leur main de lis et la présentèrent à Martin avec leurs joues tendues vers lui ! Comme vous dûtes scintiller avec une douce sympathie, quand Mercy, se rappelant le chapeau qu’elle avait attaché dans ses cheveux, cacha son charmant visage et détourna sa tête, tandis que sa gracieuse sœur enlevait le chapeau et donnait à Mercy, avec un doux reproche fraternel, une petite tape sur sa belle épaule !

« Et comment, dit M. Pecksniff, se retournant après avoir contemplé cette petite scène domestique et pris amicalement M. Pinch par le coude, comment notre ami s’est-il conduit avec vous, Martin ?

— Très-bien, monsieur. Nous sommes dans les meilleurs termes, je vous assure.