Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome1.djvu/238

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

n’en savait exactement rien ; et de là un nouvel et vaste éclat de rire.

La gaieté la plus vive ne cessa de les animer tout le temps ; mais ce ne fut pas le moins agréable moment de la fête que celui où ils se tinrent assis devant le feu, à faire craquer des noisettes, à boire du vin de dessert et à causer joyeusement. Il advint que Tom Pinch se remémora qu’il avait à dire un mot à son ami l’organiste ; il quitta donc pour quelques minutes sa place bien chaude, de peur d’arriver trop tard, et laissa les deux autres jeunes gens ensemble.

Ceux-ci en son absence burent à sa santé, c’était bien naturel ; John Westlock saisit cette occasion pour dire qu’il n’avait jamais eu une seule difficulté avec Tom pendant le séjour qu’ils avaient fait chez Pecksniff. Cette confidence l’amena à insister sur le caractère de Tom, et à insinuer que M. Pecksniff le connaissait très-bien. Il se borna à cette insinuation, et encore y mit-il de la réserve, sachant combien Tom Pinch souffrait du mépris qu’on pouvait témoigner pour ce gentleman, et pensant d’ailleurs qu’il valait mieux laisser le nouvel élève faire lui-même ses découvertes.

« Oui, dit Martin, il est impossible d’avoir pour Pinch plus d’attachement que je n’en ai, ni de mieux rendre justice à ses excellentes qualités. C’est le garçon le plus obligeant que j’aie jamais connu.

— Il ne l’est que trop, fit observer John, qui avait la réplique vive. Chez lui, cela dégénère presque en défaut.

— C’est vrai, dit Martin, c’est parfaitement vrai. Il y a une semaine environ, un drôle nommé Tigg lui a emprunté tout l’argent qu’il possédait, avec promesse de le lui rendre sous peu de jours. Ce n’était de fait qu’un demi-souverain ; mais il est heureux que la somme n’ait pas été plus forte, car Tom ne la reverra jamais.

— Pauvre garçon !… dit John, qui avait écouté très-attentivement ce peu de mots. Peut-être n’avez-vous pas eu occasion de remarquer qu’en ce qui concerne ses intérêts privés Tom est fier.

— En vérité ? Non, je ne l’avais pas remarqué. Voulez-vous dire qu’il ne voudrait pas emprunter ? »

John Westlock hocha la tête.

« C’est fort étrange, dit Martin, posant son verre qu’il venait de vider. Tom Pinch est assurément un singulier composé.