Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/148

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Éden. Les pensionnaires de l’Hôtel National s’exprimèrent fortement dans le même sens sur ce sujet : mais par bonheur il arriva que le temps leur manqua pour réfléchir sur cette injure ; car on prit immédiatement la résolution de fondre sur l’honorable Elijah Pogram et de lui donner sur-le-champ un lever.

Comme le repas général du soir avait eu lieu dans la maison avant l’arrivée du bateau, Martin, Mark et Pogram prenaient ensemble le thé et les sandwiches à la table publique, quand la députation entra pour annoncer cet hommage. Ladite députation se composait de six gentlemen pensionnaires et d’un jeune garçon qui avait la voix très-perçante.

« Monsieur ! dit l’orateur de la troupe.

– Monsieur Pogram ! » cria le jeune homme à la voix perçante.

L’orateur, ainsi remémoré de la présence du jeune homme à la voix perçante, le présenta.

« Le docteur Ginery Dunkle, monsieur. Un gentleman d’un grand génie poétique. Il n’y a pas longtemps qu’il nous est venu ici, monsieur, et pour nous, monsieur, c’est une acquisition précieuse, je vous l’assure. Oui, monsieur ; M. Jodd, monsieur ; M. Izzard, monsieur ; M. Julius Bib, monsieur.

– Julius Washington Merryweather Bib, dit ce dernier gentleman, comme s’il se parlait à lui-même.

– Je vous demande pardon, monsieur, excusez-moi. M. Julius Washington Merryweather Bib, monsieur ; un gentleman très-estimé, monsieur, dans le commerce des friperies. Le colonel Groper, monsieur. Le professeur Piper, monsieur. Mon nom à moi, monsieur, est Oscar Buffum. »

Chaque individu faisait une glissade, à mesure qu’il était nommé, venait donner de la tête contre l’honorable Elijah Pogram, lui pressait les mains et se retirait en arrière. Les présentations étant achevées, l’orateur reprit :

« Monsieur…

– Monsieur Pogram ! … cria le jeune homme à la voix perçante.

– Peut-être, dit l’orateur d’un ton de découragement, peut-être serez-vous assez bon, docteur Ginery Dunkle, pour vous charger vous-même de remplir notre petit office ? »

Comme le jeune homme à la voix perçante ne désirait rien tant, il se porta aussitôt en avant.

« Monsieur Pogram ! monsieur ! Quelques-uns de nos concitoyens, monsieur, ayant appris la nouvelle de votre arrivée à