Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/163

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— Aujourd’hui, » répondit l’aubergiste. Et tirant sa montre, il ajouta d’un ton expressif : « Dans la minute. »

Martin se hâta de lui demander s’il n’y aurait pas moyen d’y assister ; et apprenant qu’on ne ferait aucune difficulté pour recevoir une personne convenable, à moins qu’il n’y eût pas la moindre place, il partit aussitôt avec Mark, et ils ne furent pas longs à faire la course.

Ils eurent la chance de pouvoir se faufiler dans un bon coin de l’enceinte, où ils pouvaient voir tout ce qui se passerait, sans trop de crainte d’être aperçus par M. Pecksniff. Ils n’étaient certes pas arrivés une minute trop tôt : car, tandis qu’ils étaient en train de se féliciter de la place qu’ils avaient pu trouver, on entendit à peu de distance un grand tapage, et aussitôt chacun tourna son regard vers la porte. Plusieurs dames se préparèrent à agiter leurs mouchoirs ; et il arriva qu’un instituteur appartenant à l’école de Charité, s’étant fourvoyé par là et ayant été très-applaudi par méprise, fut hué par contre-coup lorsqu’on reconnut l’erreur.

« Peut-être aura-t-il amené Tom Pinch avec lui, dit Martin à l’oreille de M. Tapley.

– Oh ! non, monsieur ; ne croirait-il pas lui faire trop d’honneur ? » dit également tout bas M. Tapley.

Le temps leur manqua pour discuter le plus ou moins de probabilité de la question : car les enfants de l’école de Charité, en linge bien blanc, arrivèrent, défilant deux par deux, et leur vue causa une si profonde émotion à tous les spectateurs que plusieurs d’entre eux ne purent retenir leurs larmes. Suivait une troupe de musiciens, conduite par un tambour consciencieux qui ne cessait de battre sa caisse. Parurent ensuite un grand nombre de gentlemen tenant des baguettes et portant sur la poitrine des nœuds de rubans : leur présence dans la cérémonie ne se définissait pas clairement ; ils marchaient à la queue leu leu, et obstruèrent l’entrée pendant un très-long temps. Ils étaient suivis du maire et de la corporation, qui entouraient le membre des Communes représentant les intérêts des gentlemen : ce dernier avait à sa droite le grand M. Pecksniff, le célèbre architecte, et chemin faisant il causait familièrement avec lui. Alors les dames agitèrent leurs mouchoirs, les gentlemen leurs chapeaux, les enfants de l’école de la Charité poussèrent des cris aigus, et le membre de la chambre des Communes représentant les intérêts des gentlemen se mit à saluer.