Page:Dickens - Vie et aventures de Martin Chuzzlewit, 1866, tome2.djvu/30

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

docteur, secouant la tête, de savoir si elle est, oui ou non, semblable aux autres jambes.

– Pardon, je m’en inquiète, dit David.

– Je prends un exemple particulier, monsieur Montague, dit le docteur, pour rendre évidente mon observation. Dans cette partie de la jambe de M. Crimple il y a, monsieur, une certaine quantité d’huile animale. Dans chacune des jointures de M. Crimple il se trouve, monsieur, plus ou moins de la même matière. Très-bien. Si M. Crimple néglige de prendre ses repas ou manque à se donner une mesure convenable de repos, cette huile diminuera et finira par s’épuiser. Quelle en sera la conséquence ? Les os de M. Crimple s’enfonceront dans leurs jointures, et M. Crimple deviendra un homme misérable, chétif et rabougri ! »

Le docteur laissa retomber tout à coup la jambe de M. Crimple, comme si elle était déjà dans cette agréable situation ; puis il rabaissa ses poignets de chemise et regarda le président d’un air de triomphe.

« Dans notre profession, monsieur, dit-il, nous connaissons quelques-uns des secrets de la nature. C’est tout simple. Nous étudions dans ce but ; c’est pour cela que nous passons par le collège et l’université ; et c’est par là que nous prenons rang dans la société. C’est une chose extraordinaire de voir combien généralement l’on est ignorant sur ces matières. Maintenant, où supposez-vous… (Ici le docteur ferma un œil et se renversa en souriant dans son fauteuil, tandis qu’il formait avec ses mains un triangle dont ses deux pouces étaient la base), maintenant, où supposez-vous que soit l’estomac de M. Crimple ? »

M. Crimple, plus agité encore que précédemment, posa sa main immédiatement au-dessus de son gilet.

« Pas du tout, cria le docteur, pas du tout. C’est une erreur populaire ! Mon bon monsieur, vous êtes tout à fait dans l’erreur.

– Je le sens là, dit Crimple, quand il est dérangé ; voilà tout ce que je sais.

– Vous croyez l’y sentir, répliqua le docteur ; mais la science en sait plus long. » Il ajouta, en touchant une des nombreuses bagues qui ornaient ses doigts en vertu de legs différents, et en hochant légèrement la tête : « Il y avait autrefois un de mes malades, un gentleman qui me fit l’honneur de me mentionner d’une manière tout à fait favorable dans son testament, « en