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PRÉFACE.

& sur le sens des mots, les meilleurs Ecrits que nous ayons sur la Langue & en cette Langue. A chaque mot François répond le mot Latin ; avantage qui ne se trouve point dans les autres Dictionnaires Universels.

Quoique le Latin ne puisse être regardé que comme accessoire dans un Dictionnaire de la Langue Françoise, nous avons cru qu’on seroit bien aise de voir, du même coup d’œil, le mot Latin & le mot François qui se répondent, bien persuadés d’ailleurs que le mot Latin sert beaucoup, non-seulement aux Etrangers, mais encore aux Nationaux mêmes, pour l’intelligence parfaite du mot François. Ce sont comme deux images différentes, qui, loin de se nuire, ou de se détruire, s’entr’aident au contraire l’une & l’autre, & concourent à former dans l’esprit une notion distincte des objets qu’elles représentent. Ceux qui n’entendent pas le Latin, en seront quittes pour s’en tenir précisément au François, qu’ils trouveront aussi nettement expliqué, que si l’on ne s’étoit rien proposé de plus. Ceux qui ont l’usage de la Langue Latine, ne seront pas fâchés de voir le rapport & la liaison qu’il y a entre ces deux Langues, & de reconnoître les mots François qui tirent leur origine du Latin. Pour ce qui concerne les Etrangers, il est évident que rien ne sauroit être d’une plus grande utilité pour eux, dans l’étude qu’ils font de notre Langue, & que rien n’est plus propre à leur faire sentir la force & le vrai sens des mots François. En effet, si l’explication des mots n’est qu’en François, ceux qui ne savent pas encore notre Langue, n’entendront pas mieux l’explication du terme qu’ils cherchent, que ce terme même ; & souvent leur embarras ne fait qu’augmenter, par le nombre des termes inconnus qui se trouvent dans la définition : au lieu qu’ils conçoivent d’abord la force & l’énergie du mot François, quand ils voient qu’il signifie précisément la même chose que le terme Latin qui y est joint.

A cette attention de faire répondre le mot Latin au mot François, nous joignons celle de marquer l’étymologie, quand elle paroît nécessaire pour l’intelligence & la précision. Ménage, du Cange, Saumaise, Vossius, Ferrari, Caseneuve, Guichard, le P. Thomassin, le P. Pezron, Pasquier, Henri, Étienne, Tripot, Borel, & autres qui ont travaillé avec succès en ce genre, nous ont fourni tous les secours dont nous avions besoin en cette partie.

Des explications courtes & précises servent encore à déterminer la signification propre du mot ; & pour en faire mieux sentir la juste valeur, on a joint des exemples tirés des meilleurs Ecrivains. On expose, après cela, avec netteté les différentes acceptions du même mot, autorisées par des exemples, & suffisamment discutées : ainsi l’on a distingué par-tout très-soigneusement, dans chaque mot, le sens propre, le sens figuré, & le sens par extension, qui tient le milieu entre l’un & l’autre.

Je n’ignore pas qu’il s’est trouvé des gens qui se sont avisés de blâmer cette attention que nous avons de justifier par des exemples tirés des meilleurs Auteurs, le sens que nous attachons aux mots dans nos définitions. « Le principal & le seul mérite du Dictionnaire de Trévoux, si ce n’est pas un vice », dit l’Auteur du Grand Vocabulaire, « est d’avoir accumulé une foule d’exemples tirés d’Auteurs connus : mais ces exemples ainsi entassés, fatiguent bien plus le lecteur, qu’ils ne l’instruisent ; &, comme le remarque très-bien le Dictionnaire de l’Académie, des phrases composées exprès, pour rendre sensible toute l’énergie d’un mot, & pour marquer de quelle manière il veut être employé, donnent une idée plus nette & plus précise de la juste étendue de sa signification, que des phrases tirées de nos bons Auteurs, qui n’ont pas eu ordinairement de pareilles vues en écrivant. »

Sans m’amuser à répondre à cette critique, je me contenterai de dire à l’Observateur, que nous n’avons, ni lui, ni moi, acquis assez de réputation dans la République des Lettres, pour être crus sur notre parole. Les Auteurs de la seconde