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AIG

AIGRIS. s. m. Espèce de pierre précieuse qui n’a ni beauté, ni éclat ; elle est d’un bleu verdâtre, & ressemble à de la rassade de verre. Elle est fort estimée par les Issinois, qui l’achetent au poids de l’or. ☞ Ils la taillent en petits morceaux, qu’ils nomment Betiquets, percés dans le milieu, afin qu’on puisse les enfiler dans la barbe des Grands-Seigneurs, pour y servir d’ornement. La barbe grise du Roi des Issinois étoit cordelée en vingt petites tresses, qui étoient enfilées en vingt morceaux de pierres d’aigris, percées, rondes & longuettes. P. Loyer.

AIGRUN. s. m. Vieux mot, qui se dit de toutes sortes d’herbes fortes, & de fruits aigres. Mén.

AIGU, UË. adj. Qui se termine en pointe, & qui est perçant ou tranchant, dont la forme est propre à percer ou à couper. Acutus. Cette cognée est bien aiguë. Le fer de ce javelot est fort aigu, fort pointu. Ce mot vient de acutus, & aiguiser de acutiare. Ménag. Les mots d’aiguille, d’aiguillon, d’aiguillonner, & d’aiguillete sont ses dérivés. Dans ce sens il est opposé à ce qu’on appelle obtus.

En termes de Géométrie, on appelle un angle aigu, celui qui est mesuré par un arc plus petit qu’un quart de cercle, ou qui a moins de 90 degrés : c’est celui qui est moins ouvert que l’angle droit : un triangle acutangle ou oxigone, celui qui a ses trois angles aigus.

Aigu, au figuré, s’applique à différentes choses. On disoit encore dans le siècle dernier, un esprit aigu ; pour dire, subtil : une pensée aiguë, une pointe aiguë, fort subtile, qui convient à l’épigramme. Dans ce sens il a cessé d’être en usage.

☞ On dit figurément une voix aiguë, des sons aigus ; pour dire, des sons clairs & perçans, qui blessent l’oreille. Tels sont les cris exprimés par la douleur.

Aigu, se dit en Musique d’un ton perçant ou élevé par rapport à quelqu’autre ton. Dans ce sens il est opposé au mot Grave.

☞ On dit une douleur aiguë, c’est-à-dire, vive & piquante. Les douleurs de l’enfantement sont très aiguës. Une colique aiguë. En ce sens on le peut dire aussi des passions. Ce qui rend les douleurs de la honte & de la jalousie si aiguës, c’est que la vanité ne peut servir à les supporter. Rochef.

Aigu, se dit proprement par les Médecins, des maladies violentes & dangereuses, qui se terminent bientôt, Cum bonis vel malis ægri rebus, ou, comme disent les Médecins, Citò & cum periculo terminantur. Dans ce sens il est opposé à Chronique. Les maladies aiguës sont d’autant plus dangereuses, qu’outre la violence des symptômes, si l’on manque à temps de vider les premières voies, ou de diminuer la quantité du sang, il est très-difficile d’en arrêter le progrès, & de sauver le malade. On divise les maladies aiguës, en celles qu’on nomme proprement aiguës, celles qu’on appelle fort aiguës, & en celles qui à raison de leur peu de durée & de la véhémence des symptômes, ont pris le nom de très-aiguës ; car celles qui passent quarante jours, sont chroniques.

En Grammaire on appelle un accent aigu, celui qui marque que la syllabe doit se prononcer d’un ton élevé. C’est une virgule, ou petite ligne qui se met sur la voyelle, & qui s’incline un peu en descendant de droite à gauche. En françois l’accent aigu ne sert qu’à marquer l’é fermé, ou masculin, comme dans élevé, le premier & le dernier é sont fermés. Voyez. Accent.

Aigu, est aussi un terme de Poësie. Les Espagnols appellent vers aigus, les vers qui finissent par des mots qui ont l’accent sur la dernière syllabe.

A buscar a su mugér
Orfeo baxo ab infierno
Quë por su muger no pudo
Baxar a otra parte Orfeo. Quevedo

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AIGUADE. s. f. Prononcez EGADE. Terme de Marine. ☞ Provision d’eau douce que font les vaisseaux en route, lorsqu’ils en manquent dans le cours de leur voyage. Aquatio. Les vaisseaux entrerent dans cette baie pour faire aiguade. Aquari. Il répandit sa cavalerie le long du rivage, pour empêcher la flotte de faire aiguade. L’aiguade se dit également de la provision de l’eau, & du lieu où on la fait. Dans telle île il y a une bonne aiguade. On lit dans le même sens, & même plus communément, faire de l’eau. DesRoches dit qu’on ne s’en sert qu’au levant.

AIGUAGE. Vieux mot. Droit qu’on payoit pour avoir de l’eau, afin d’arroser un terrain.

☞ AIGUAIL. s. m. L’Acad. écrit aigail. Rosée qui tombe le matin, & demeure par petites gouttes sur les feuilles des arbres & des herbes. Ros. On a dit en Poësie, l’aiguail des fleurs, l’aiguail des prés. L’aiguail ôte le sentiment aux chiens. Ce mot n’est plus d’usage que parmi les Chasseurs.

On dit en termes de chasse, que les chiens d’aiguail ne valent rien au haut du jour. Et au contraire, ils ne valent rien dans l’aiguail, quand ils sont bons le haut du jour.

AIGUAYER, ou AIGAYER. v. a. Tremper, laver dans l’eau. On dit, aiguayer un cheval, quand on le promene dans l’eau pour le rafraîchir ; aiguayer du linge, le laver, le remuer dans l’eau claire, pour en faire sortir le savon, avant que de le tordre. L’Académie écrit égayer, & dans un autre endroit aigayer.

AIGUE. s. f. Vieux mot qui signifioit de l’eau. Aqua. Il n’est plus en usage que dans une partie de la Gascogne. Il se dit encore en ses composés, aigue-perse, aigues-mortes, &c.

Aigue, est aussi le nom d’une rivière de la principauté d’Orange.

Aigue-Belle. Aqua pulchra, aqua bella. Nom d’un bourg de Dauphiné, sur la petite rivière de Bèvre ; & d’une petite ville de Savoie, située sur la rivière, ou plutôt le torrent d’Arc. Ce mot est formé du mot aigue, aqua, de l’eau, & belle ; c’est la même chose que belle-eau.

Aigues-caudes. C’est-à-dire, eaux chaudes. C’est une source du Béarn, fort célébre, dont les eaux mêlées de soufre, de nitre, & d’alun, sont très-salutaires pour plusieurs maladies.

Aigue-marine. s. f. Pierre précieuse, d’une couleur verte, mêlée de bleu, à-peu-près comme la couleur de l’eau de mer, d’où lui vient son nom. Aqua marina. Elle a la même dureté que l’améthiste orientale. C’étoit la dixième pierre du Rational du Grand Prêtre des Juifs, à ce que dit Arias Montanus ; & elle étoit appelée en hébreu Tharsis. C’est aussi le sentiment de Junius & de Trémellius, de Buxtorf le pere, de Danæus, qui nomment cette pierre Berillus Thalassius, & même de Jonathan & d’onkélos, qui l’appellent en Chaldéen כרןם ימא, Cherum jamma. Car quoiqu’on ne sache pas trop ce que signifie le premier mot, cherum, qu’on pourroit interpréter, ou fuligo, si c’est la même chose que אכרןם, ou vinea, si on le prend pour כרם, ou si on l’en dérive ; il est toujours certain que le second mot, Jamma, signifie la mer ; & qu’ainsi ils ont voulu indiquer une pierre dont la couleur approche de celle de la mer. Le mot hébreu signifie la même chose. Car תרשיש se prend souvent pour la mer, suivant la remarque de Louis de Dieu. Les deux Interprètes Arabes traduisent, אזרק azrak, qui signifie glaucus, cœruleus, de couleur de mer, & se dit d’une pierre précieuse de couleur de mer, & des yeux qui sont de la même couleur, & qu’on appelle en latin glauci, cœrulei. Cependant les Septante, Josephe, Saint Jérôme, Aquila, Pagnin, les Traducteurs de Genève, Schindler, traduisent Chrysolythus. D’autres prétendent que c’étoit une Turquoise. Symmaque, Léon de Juda, & Hutterus traduisent, ὑάϰονθος, Hyacinthus. R. David Kimhhi prétend aussi dans ses Racines, que cette pierre approchoit de la hyacinthe ; mais c’est l’interprétation qui revient le moins à l’Hébreu. Les Italiens l’appellent Aqua marina. Pline la nomme Augites. Les Hébreux l’appellent aussi jaschepeh, d’où on croit que le mot de jaspe est venu.

☞ Plusieurs Lapidaires la prennent pour le Béril ; ce qui revient au premier sentiment dont j’ai parlé. Cependant la différence des verts est très-distincte dans