Page:Dictionnaire de Trévoux, 1771, I.djvu/443

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
419
APO

pas les choses nécessaires pour exercer sa profession, ou pour garnir sa boutique. Apothicaire sans sucre se dit peut-être à cause que les Apothicaires emploient du sucre dans plusieurs de leurs compositions, & que s’ils manquent de sucre, ils n’auront pas les autres ingrediens qui sont nécessaires dans ces compositions. On dit aussi d’un homme qui prend trop de remèdes, qu’il fait de son corps une boutique d’Apothicaire.

APOTHICAIRERIE. s. f. C’est la boutique où se préparent, se gardent, & se vendent les remèdes. Pharmacopolium. C’est aussi l’art de les bien préparer. Ars pharmacopæa, pharmaceutice. Cet homme entend bien l’apothicairerie. Les Gardes de l’apothicairerie & épicerie ; les Maîtres Gardes & Jurés en métier d’apothicairerie : le fait & état d’apothicairerie est de plus grande conséquence que tous les autres états quels qu’ils soient ; l’art d’apothicairerie, les marchandises d’apothicairerie & épicerie : toutes ces phrases sont tirées des réglemens faits pour les Apothicaires & l’apothicairerie. Ces réglemens au reste écrivent toujours Apothiquaire & Apothiquairerie, au moins dans le Traité de la Police de M. de la Mare. Il y a dans les Communautés des lieux destinés pour l’apothicairerie. L’apothicairerie de Dresde est fameuse. On dit qu’il y a 14000 boëtes d’argent toutes pleines de drogues & de remèdes fort renommés.

APOTHICAIRESSE. s. f. Religieuse qui a soin de l’apothicairerie de son Couvent, qui prépare les remèdes pour les malades, & qui consulte les Médecins en leur faveur. Medicamentaria. C’est la Mere une telle qui est Apothicairesse de son Couvent.

☞ On donne aussi ce nom à la femme d’un Apothicaire, au moins parmi le peuple ; qui dit quelquefois Apothicaresse.

APOTHRAUSE. s. f. Perfractio. Terme de Chirurgie. Espèce de fracture avec séparation & détachement de quelque esquille ou pièce de l’os. Ce mot est grec, ἀποθραυσις, Perfractio, fracture entière : on appelle aussi cette fracture, Apocope.

☞ APOTOME. s. m. Terme d’Algèbre. C’est la différence des quantités incommensurables ; l’excès d’une ligne donnée sur une autre ligne qui lui est incommensurable, de la diagonale, par exemple, sur le côté du carré. Apotome. Voyez les Élém. d’Euc. L. X.

Apotome, en termes de Musique, est la partie qui reste d’un ton entier, quand on en ôte le demi-ton majeur. Apotomia, discissio. La proportion en nombre de l’apotome est de 2048, à 2187. Les Grecs ont cru que le ton majeur ne pouvoit être divisé en deux parties égales, & ils ont appelé la première partie ἀποτομὴ, & l’autre λέμμα, suivant Pythagore & Platon. Les Anciens ont appelé Apotome le demi-ton imparfait. Quelques uns divisent encore l’apotome en majeur & en mineur.

Ce mot vient du grec ἀποτέμεο, abscindo.

APÔTRE. s. m. Envoyé, disciple de Jésus-Christ, qui a eu mission pour prêcher son Évangile par tout le monde, & pour le porter à toutes les nations de la terre. Apostolus. Le symbole des Apôtres. S. Pierre est le premier des douze Apôtres. S. Paul est appelé par excellence l’Apôtre des Gentils, parce que c’est celui qui a fait le plus de conversions parmi eux, son ministère leur ayant été particulièrement destiné, comme celui de l’Apôtre Saint Pierre aux Juifs. On donne quelque marque distinctive à tous les Apôtres. A S. Pierre des clefs ; à S. Paul une épée ; à S. André une croix en sautoir ; à S. Jacques le Mineur un bâton de foulon ; à S. Jean un calice, d’où s’envole un serpent ailé ; à S. Barthélemi un couteau ; à S. Philippe un long bâton, dont le bout d’en haut a la forme de croix ; à S. Thomas une lance ; à S. Matthieu une hache ; à S. Matthias une coignée ; à S. Jacques le Majeur un bourdon & une calebace ; à S. Simon une scie ; à S. Thadée une massue.

Le mot d’Apôtre, dans son origine, ne signifie autre chose que délégué, ou envoyé ; on le trouve dans Hérodote en ce sens, qui est le sens naturel de ce mot. Il est appliqué dans le Nouveau Testament à diverses sortes d’envoyés, premièrement aux douze disciples de Jésus-Christ, qui sont appelés Apôtres par excellence. C’est en ce sens-là que quelques faux prédicateurs de l’Évangile contesterent à S. Paul sa qualité d’Apôtre, parce qu’il n’y avoit que ceux qui avoient été témoins des actions de Jésus-Christ, qui pussent prendre cette qualité. Pour répondre à ces faux docteurs, qui avoient séduit les Églises de Galatie, il commença par ces mots la lettre qu’il leur écrivit, Paul Apôtre, non de la part des hommes, ni par aucun homme ; mais par Jésus-Christ & Dieu son pere. Il voulut leur faire connoître que sa mission venoit immédiatement de Dieu, & qu’il étoit par conséquent véritablement Apôtre.

En second lieu, le nom d’Apôtre se prend pour de simples envoyés des Églises ; comme quand S. Paul dit au ch. 16, de son Épitre aux Rom. v. 7 Saluez Andronicus & Junia mes parens, & qui ont été avec moi, lesquels ont un grand nom parmi les Apôtres.

En troisième lieu, on donnoit le nom d’Apôtres à ceux que les Eglises envoyoient porter des aumônes aux fidèles des autres Églises : ce qui avoit été pris des usages des Synagogues, qui appeloient Apôtres ces envoyés. C’est en ce sens-là que Saint Paul, écrivant aux Philippiens, dit au chapitre second de sa lettre, qu’Epaphrodite leur a servi d’Apôtre & de Ministre pour l’assister dans les besoins.

Apôtre est aussi celui qui a le premier planté la foi en quelque endroit. S. Denis de Corinthe est l’Apôtre de la France. S. François Xavier est l’Apôtre des Indes.

On donna encore au commencement de l’Église le nom d’Apôtres à d’autres que les douze que Jésus-Christ choisit. Ainsi S. Paul, Rom. XVI, ch. 7, dit qu’Andronicus & Junia sont considérables entre les Apôtres. Quelques-uns croient qu’on appeloit ainsi ceux qui avoient annoncé l’évangile les premiers en quelque lieu.

☞ Les Évêques ont été appelés autrefois Apôtres & Apostoles. Depuis ce nom a été donné au Pape seul, en sorte que nos écrivains françois l’appeloient Apostole, comme l’a remarqué M. Bignon dans ses notes sur les formules de Marculphe, pag, 251, édit. de Paris in-4o. 1666.

S. Paul est aussi appelé simplement & absolument l’Apôtre. Les Prédicateurs sur-tout en usent souvent ainsi. Je sais que l’Apôtre & les Saints ont gémi devant Dieu, de trouver dans eux l’ennemi le plus dangereux de leur salut. Chemin. Voilà un excellent moyen de se conserver en grâce, &, si j’ose le dire, de s’y confirmer ; aspirer toujours à un nouveau degré de charité, selon le conseil de l’Apôtre. Id. Loin de cette chaire cet art, qui loue vainement les hommes par les actions de leurs ancêtres, & qui s’arrête à des généalogies sans fin, comme parle l’Apôtre, plus propres à satisfaire une vaine curiosité, qu’à édifier une foi solide. Flech. Avoir déjà la mort à ses côtés, mourir, comme dit l’Apôtre, à chaque moment, & ne s’empresser pas d’arriver à la sainteté par la voie courte & abrégée d’une vie fervente, il n’y a, ou qu’une stupidité grossière, ou qu’une infidélité au moins commencée, qui puisse aller jusques-là. Bourdal. Quelquefois on dit, le grand Apôtre. Cette réponse, pour appliquer ici la parole du grand Apôtre, c’est la réponse de la mort. Bourdal. Cette expression au reste est très-ancienne, & ne nous est pas particulière. Nous l’avons prise des Peres Grecs & Latins, qui en usent très-souvent. C’est aussi en ce sens qu’on appeloit à Constantinople le Docteur de l’Apôtre une des dignités de l’Église de cette ville, dont la charge, ou la fonction, étoit d’expliquer au peuple les Épitres de S. Paul.

On appelle aussi en termes de Liturgie, & même dans l’usage ordinaire, les Épitres de S. Paul du nom d’Apôtre. S. Grégoire, dans son commentaire, dit, Deinde sequitur Apostolus, puis suit l’Apôtre, c’est-à-dire, l’Epître qui est tirée des Épitres de S. Paul. Lire l’Apôtre, c’est lire les Épitres de S. Paul. Ce nom, chez les Grecs, signifie aussi dans le même sens, & en termes de Liturgie, un livre d’Église qui contient les