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CRA

jours dans la craie des vestiges de coquilles qui en forment le tissu. Il s’en produit dans toutes les parties du monde, & en particulier l’île de Ruga & celle d’Usedom dans la Poméranie sont très-fertiles en craie. Quelques Médecins ne croient pas que la craie mérite d’avoir place parmi les remèdes ; d’autres prétendent qu’elle a de très-bons effets, & qu’on en use avec succès dans plusieurs maladies, telles que sont les fièvres, même malignes, les maladies qui viennent de quelque intempérie particulière, les douleurs, les obstructions des parties, des vaisseaux, ou des pores, le flux des humeurs utiles ou inutiles qui sortent du corps, les tumeurs, les plaies, les ulcères, les vices de la peau, l’épilepsie, la difficulté de retenir les urines. Les principales propriétés de la craie sont d’absorber, de changer, &c. Absorbendi, invertendi, saturandi, &c. Aussi l’emploie-t-on comme un alcali ou absorbant terreux.

Quelques Auteurs en font trois espèces : de blanche, de verdâtre & de noire. Il n’y a que la blanche dont on se serve dans la Médecine : elle est desséchante, détersive & emplastique ; & étant appliquée au dehors, elle dessèche & cicatrice les plaies & les ulcères. On s’en sert aussi quelquefois intérieurement contre les ardeurs de l’estomac. Elle sert encore à blanchir la vaisselle, les cuirs, les draps, &c. Toute la ville de Reims est bâtie de craie. Ce qui fait la bonté des vin de Champagne, c’est qu’ils viennent sur des collines de craie. Il y a quelques pierres rouges & noires dont les Artisans se servent pour marquer leurs mesures, qu’ils appellent aussi craies.

CRAIE de Briançon. Espèce de pierre assez approchante de la nature du talc, à la réserve qu’elle n’est pas si écailleuse, & qu’elle est plus dure.

Craie rouge. Espèce de bol Arménien, commun, mais en tout inférieur au véritable bol d’Arménie, étant très-frêle & très-aisé à rompre. La meilleure croît en Egypte & autour de Carthage : on en trouve aussi aux Indes Occidentales.

☞ Les tailleurs se servent de la craie de Briançon pour tracer des lignes sur les étoffes. Elle est de peu d’usage en médecine & ce n’est qu’improprement qu’on lui donne le nom de craie.

☞ Il y a plusieurs autres espèces de craie qui ne différent les unes des autres que par leur couleur & quelques qualités accidentelles.

Craie, terme de Marine. Nom que l’on donne à des vaisseaux Suédois & Danois, qui portent trois mâts sans huniers.

Craie se dit absolument pour la marque de craie que les Maréchaux des Logis, ou Fourriers du Roi mettent sur les portes des maisons, pour signe qu’elles doivent servir au logement de certaines personnes. Cretatus, cretâ notatus. Il y a tant de maisons sujettes à la craie en une telle ville.

Craie. s. f. terme de Fauconnerie. C’est une maladie des oiseaux appelée la pierre, ou la craie. L’on reconnoît que l’oiseau a la craie, quand il a les yeux & les piés enflés, & qu’il les frotte du haut de son aîle : alors les deux veines qui sont entre ses yeux poussent fort, ses narilles sont bouchées. Il leve la queue deux ou trois fois avant que de pouvoir émeutir, & quand il veut émeutir, il fait son, comme petits pets, & son émeut est liquide & comme eau trouble, & quelquefois visqueux comme de la chaux endurcie.

☞ CRAINBOURG ou KRAINBURG. Ville d’Allemagne dans la Carniole, sur la save.

CRAINDRE, v. a. a au présent de l’indicatif je crains ; & non je crain. Vaug. Corn. A l’impératif crain, ou crains, qui est le meilleur. Il y en a cependant qui disent qu’on ne doit pas mettre d’s à la fin de la seconde personne du présent de l’impératif ; vien-ça, croi-moi, &. Id. je crains, tu crains, il craint, nous craignons, je craignois, je craignis, j’ai craint, je craindrai, que je craigne, une je craignisse, je craindrois. Prouver un sentiment de crainte. Voyez Crainte. Timere, metuere, in metu esse, vereri, tremere formidare, extimescere. Un brave ne craint ni la mort ni les dangers. Il est plus sûr aux Rois de se faire craindre, mais il est plus doux de se faire aimer. Celui que beaucoup de gens craignent, a aussi nécessairement beaucoup de gens à craindre. S. Evr. S’il y a des craintes foibles & puériles, il y en a de justes, & celui qui ne craint rien, n’est pas raisonnable. M. Scud. Rien n’est plus ennuyeux que cette vie tiède, qui sans rien craindre, & sans rien désirer, n’a rien de sensible. S. Evr. On craint de se connoître, parce qu’on n’est pas tel qu’on devroit être. Fléch. Il y a tout à esperer, & rien a craindre quand on se tromperoit à croire qu’il y a un Dieu ; & au contraire tout est craindre, & rien à espérer dans le parti du libertinage. Jaq. Comme il y a de la foiblesse à craindre sans sujets, il y a aussi de la prudence à craindre avec raison. M. Scud.

Je ne craignois que vous, vous ne craignez que moi ;
Et puisqu’il faut ici parler de bonne foi,
C’étoit avec raison que jaloux l’un de l’autre,
Vous craigniez mon pouvoir, que je craignois le vôtre. Campistron.

Il ne faut craindre rien, quand on a tout à craindre. Corn.

☞ Cette sentence paroît quelque chose de contradictoire : elle est cependant au fonds d’une très-grande vérité. Elle signifie qu’il faut tout hasarder quand tous les partis sont également dangereux. Il eut falu, je crois, éviter le jeu de mot & l’antithèse.

Ménage dérive ce mot de cremere, qu’on a dit vraisemblablement pour tremere. Il témoigne que les vieux Auteurs ont dit cremir, cremeur & créméteux, pour craindre, crainte & craintif.

Craindre se dit aussi des choses inanimées, quoiqu’elles ne soient sujettes à aucune passion & signifie alors qu’une chose est contraire à une autre. Abhorrere. Les oranges craignent la gelée. Les fleurs, le teint, craignent le hâle. Le feu craint l’eau. On dit figurément qu’un bon vaisseau ne craint que la terre & le feu ; pour dire, qu’il n’y a rien à craindre pour ce vaisseau, que d’échouer ou d’être brûlé. Ac. Fr.

On dit d’un homme craintif, qui craint tout, qu’il craint la touche, la réprimande : & au contraire d’un emporté, d’un libertin qui ne craint rien, qu’il ne craint ni Dieu, ni Diable.

Craindre signifie aussi s’abstenir, se retenir par respect, par amour, par honneur, de faire quelque chose. Cavere, timere, refugere. Un homme de bien craint d’offenser Dieu, parce qu’il est bon. Cette femme aime tant son mari, qu’elle craint sans cesse de le fâcher. Il craint de blesser les oreilles chastes. Il craint de choquer les loix de la bienséance, de la Grammaire.

Craint, ainte. part. pass. & adj. Formidatus.

CRAINTE. s. f. ☞ agitation, inquiétude de l’ame occasionnée par la vue d’un mal qui nous menace, ou dont nous nous croyons menacés. M. de la Chambre définit la crainte, un mouvement de l’appétit, par lequel l’ame se retire, & fuit avec précipitation le mal qui vient fondre sur elle : selon cet Auteur, la crainte est une passion simple. Timor. La crainte resserre le cœur, & l’affoiblit par l’appréhension du mal qui le menace ; c’est ce qui fait que toute la chaleur étant contrainte d’accourir au secours du cœur, le visage devient pâle, Félib. Je ne saurois souffrir