Page:Dictionnaire de Trévoux, 1771, II.djvu/110

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
102
BUC

général tout client, tout vassal, parce qu’ils vivoient aux frais de leur Seigneur. C’est en ce sens que le prennent les loix des Visigoths dans Papias, Liv. V, tit. 3, §. 1, & Anastase le Bibliothécaire dans la vie du Pape Zacharie. Voyez sur ce mot M. du Cange, les Macri, Hoffman, & le Glossaire de Cedrenus, Constant. de Th. orient. 15, 6, & de admin. Imp. c. 51, Curopal p. 839.

Au reste, les Empereurs d’Orient ne sont pas les seuls qui ont eu des Buccellaires ; & d’autres que les Empereurs en avoient. En effet, on trouve au milieu du Ve siècle un Buccellaire du fameux Aëtius dans Grégoire de Tours, Hist. Franc. Lib. II, cap. 8, à moins qu’on ne voulût dire que c’est une prolepse ou anticipation de cet Historien ; ce qui ne paroît pas. D’ailleurs l’origine & la forme latine de ce nom persuadent aisément qu’il a passé de Rome à Constantinople plutôt que d’être venu de Gréce en Italie.

BUCCELLATION. s. f. Quelques Chimistes se servent de ce mot pour signifier une division en gros morceaux. Harris. Buccellatio, divisio in buccellas, id est, in partes majores. Division de différentes substances, comme par bouchées, pour les travailler.

☞ BUCCHANTE. s. f. C’est ainsi qu’on appelle une plante fort commune aux environs de Montpellier. C’est une espèce de Conyze. Voyez ce mot.

BUCCIN. s. m. Terme de Conchyologie. Voyez Trompe.

BUCCINATEUR. adj. m. Pris substantivement. Terme d’Anatomie. C’est une épithète qu’on donne au second des muscles communs des lèvres, qui est ainsi nommé, parce que c’est lui qui s’enfle & fait la joue grosse en souflant ou en sonnant de la trompette. Buccinator. On l’appelle aussi trompetteur.

☞ Le Buccinateur occupe latéralement l’espace qui est entre les deux mâchoires. Il sert dans la mastication à remuer les alimens, & à les faire entrer dans la bouche en aplatissant les joues.

Buccinateur, pourroit se dire aussi des Joueurs de buccines, qu’on appeloit autrefois Buccinatores. Les Tritons, selon les Poêtes & les Peintres, sont des Buccinateurs marins, ou les Buccinateurs de Neptune. Il y avoit chez les Romains un Esclave public qu’ils appeloient Buccinateur des noms, Buccinator nominum, qui accompagnoit toujours le crieur publis, appelé Præco. Il est parlé de ce Buccinateur des noms, Leg. ilt. ff. De jure immunit, & dans une ancienne Inscription.

Ce mot vient du latin buccina, trompette.

BUCCINE. s. f. Buccina. Ce mot se trouve dans Nicot. C’étoit un instrument de guerre, ou plutôt, un instrument de musique martiale & guerrière ; un instrument de musique servant à la guerre. Nous le prenons communément pour une espèce de trompette. Festus confirme ce sentiment en définissant la Buccine une corne recourbée, dont on joue comme d’une trompette. Végétius, au Liv. III, De re militari, c. 5, dit aussi que la buccine se recourboit en cercle, & différoit par-là de la trompette, tuba. Varron dit qu’on les nommoit cornes, cornua, parce que dans les commencemens c’étoient des cornes de bœuf, dont on se servoit, comme font encore nos Pastres en bien des endroits de la campagne. Servius, sur le VIIe Lib. de l’Eneide, v. 518, semble dire qu’on en faisoit aussi d’abord de cornes de boucs ; & l’écriture appelle les instrumens dont les Hébreux se servoient dans le temple & à la guerre, קרן יובל, Keren Jobel : c’est-à-dire, corne de bélier, Josué VI. 3, & שפרות היובלים, Sopheroth hajobelim, qui signifie buccines de béliers, Jos. VI, 4 & le son de instrumens. Voyez encore I, paralop. XXV, 5, & Bochart, Hieroz. Part. I, Liv. II, c. 32. Les instrumens de musique servant à la marche guerrière sont les buccines, les trompettes, les litues, les clairons, les cors & cornets, les fifres, les arigots, les tambours, les attabales, les nacaires, les tymbales, &c. Les buccines marines que les Poëtes & les Peintres donnent aux Tritons sont des coquillages en forme de limaçon.

Les cloches sont, tambourins & doucine,
Harpes & luths, instrumens gracieux,
Hautbois, flageolz, trompettes & buccine,
Rendans un son si très-solacieux. Marot.

Ce nom vient de Bucca, bouche, parce qu’il faut emboucher ces instrumens pour en jouer, que c’est de la bouche qu’on en joue. Ainsi buccine proprement, & selon son origine, devroit être un nom générique de tous les instrumens qui s’embouchent ; mais l’usage l’avoit déterminé en particulier à celui que nous avons dit.

BUCCULA. s. f. Terme latin, qui signifie petite bouche, ou selon M. Dionis, petite gorge. Les Anatomistes donnent ce nom à la partie inférieure du visage, qui comprend le dessous de la lèvre inférieure, le menton, & la partie charnue sous le menton.

BUCENTAURE. s. m. Espèce de Centaure qui avoit le corps d’un bœuf ou d’un taureau, au lieu que les Centaures ont communément le corps d’un cheval. Il y en a aussi qui ont le corps d’un âne. Nous avons des monumens qui représentent Hercule combattant un Bucentaure. Le Héros n’a ni massure, ni aucune sorte d’arme. Il embrasse le Bucentaure par le milieu du corps, & semble l’étreindre pour l’étouffer.

Bucentaure, est aussi le nom d’un grand & magnifique vaiseau dont se servent les Vénitiens tous les ans, lorsque le Doge fait la singulière cérémonie d’epouser la mer le jour de l’Ascension. Pierre Justiniani, dans son Histoire de Venise, Liv. XIV, donne une description très-détaillée du Bucentaure, & il ajoute que l’on en rapporte l’origine à l’an 1311, de Jesus-Christ ; que d’autres nénamoins remontant plus haut disent qu’il la faut rapporter à l’arrivée de l’Empereur Frédéric Barberousse à Venise en 1177 ; lorsqu’il y vint pour faire la paix avec le Pape Alexandre VII, & la République. Cet Empereur avoit obligé le Pape de sortir de Rome, & de se retirer à Venise. Choqué de ce que les Vénitiens donnoient un asile à Alexandre, il envoya contre eux sa flotte sous la conduite de son fils Othon, qui fut défait, pris & renvoyé à son pere, auquel il persuada d’aller à Venise pour faire la paix, qui y fut en effet heureusement conclue. Le Pape, en reconnoissance du secours qu’il avoit reçu des Vénitiens, leur accorda plusieurs privilèges, & fit présent au Doge d’un anneau d’or ; c’est l’origine de l’anneau que le Doge jette dans la mer.

Ce mot vient du grec βουϰενταῦρος, composé de βοῦ, particule d’augmentation, dont on se sert pour marquer une grandeur énorme ; & de Κένταυρος, Centaurus, Centaure. Justiniani ajoute encore deux étymologies à celle-ci. La première tire ce nom de bis, & de Taurus, ou plutôt Centaurus, nom d’un des vaisseaux d’Enée dans Virgile. 2°. D’autres veulent qu’on ait dit Bucentaurus, pour Ducentaurus, mot forgé pour signifier un vaisseau, qui peut tenir deux cens hommes, ducentorum hominum capax. La première etymologie que l’on a rapportée ici, paroît être la véritable.

BUCÉPHALE. s. m. qui signifie tête de bœuf, du grec βοὺς, bœuf & ϰεφαλὴ, tête. C’étoit la coutume autrefois d’imprimer quelques marques aux chevaux. Les plus communes étoient un Σ, sigma, un Κ, Kappa, & une tête de bœuf. Ceux qui étoient marqués du Σ s’appeloient Συμφόραι ; ceux qui avoient le Κ, Κοππατίαι ; & l’on donnoit le nom de Bucéphales, Βουϰέφαλοι à ceux auxquels on imprimoit une tête de bœuf. Cette tête de bœuf se mettoit sur la croupe du cheval, & sur ses armes ou son harnois. C’est le Scholiaste d’Aristophane dans les Nuées, Act. 1 Sc. 1, & Hésychius au mot Βουϰέφαλος, qui nous apprennent ceci. Voy. Saumaise sur Solin, pag. 893 & suiv.

Bucéphale, fut en particulier le nom du cheval d’Alexandre, ainsi nommé, si l’on en croit le Scho-