Page:Dictionnaire de Trévoux, 1771, II.djvu/221

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
213
CAN

est plus ou moins gros suivant son âge, & se divise en plusieurs branches, qui donnent plusieurs rameaux longs, droits, sans nœuds, & qui sont chargées de feuilles alternes le plus souvent, opposées quelquefois ; semblables à celles du laurier, mais plus grandes, plus arrondies à leur base, terminées en pointe à leur extrémité, relevées de trois nervures parallèles, qui parcourent toute leur longueur : leur goût est piquant, & approche un peu de celui de son écorce. Ses branches sont terminées par des bouquets de petites fleurs à cinq ou six pétales chacune, blanchâtres ; & d’une odeur agréable. Leurs fruits qui sont renfermés en partie dans une calote à cinq ou six pointes obtuses, charnue, verdâtre & picotée de point blanchâtres, leurs fruits, dis-je, sont ovales, de la figure d’un gland de chêne, verdâtres d’abord, puis noirâtres dans leur parfaite maturité, & le bois de cet arbre n’a pas beaucoup de goût ; il n’y a que l’écorce du milieu, ou la seconde écorce, que l’on détache des troncs des arbres, qui n’ont que six ans ; & que l’on sépare de la première écorce extérieure, qui est grisâtre. Cette écorce du milieu, qui est proprement la cannelle, n’est pas haute en couleur, ni si piquante au goût, ni même roulée lorsqu’elle est fraîche ; elle est au contraire blanchâtre, d’un goût piquant & est platte. Ce n’est qu’en se desséchant qu’elle se roule, & qu’elle devient plus rouge. Tavernier décrit fort au long la manière dont les Hollandois tirent la cannelle dans l’Ile de Céylan, d’où vient la meilleure. Il parle encore du camphre, que donne la racine du cannelier, par le, moyen de la distillation, & d’une huile qu’on tire de ces fruits ; qui se fige, & devient ferme comme de la cire. Pison en fait aussi mention dans son Mantissa. Aromatica. Outre le cannelier de Céylan, on en trouve dans le Malabar deux autres espèces qui different de celui-ci par leurs écorces bien moins piquantes. On croit qu’une de ces deux espèces est l’arbre du Folium Indicum, ou Malabatrum des Anciens : feuille qui entre dans la Thériaque, Hort. Malab. Tome I, & Tome V.

CANNELLE ou CANELE, s. f. seconde Ecorce d’un arbre qui croît dans les Îles de Céylan & de Java, & en Malabar. Casia, cinnamum, cinnamomum. Il vient naturellement & sans culture dans les bois, comme les autres arbres. Les Indiens n’en font pas plus de cas : ils l’appellent corunda gauhah. Cette écorce est la même chose que le cinnamome des Anciens. Le bois de cet arbre n’a ni odeur ni goût. Sa principale vertu est dans son écorce, laquelle étant récente semble être double : elle est a sa superficie grisâtre, & le dedans de couleur ordinaire de la cannelle. On la pouroit alors diviser en deux écorces de différente couleur, mais étant séchées ensemble, elles sont inséparables, & passent pour la même écorce, la couleur grisâtre de la superficie, se changeant en la couleur ordinaire, à mesure qu’elle sèche. La cannelle séparée fraîchement de l’arbre est plate, peu colorée, presque sans goût & sans odeur ; mais elle se roule en séchant & prend la figure d’une canne, dont elle porte en partie le nom, & par l’exaltation de son humidité superflue, elle acquiert une odeur douce & pénétrante, un goût aigu & piquant. Plusieurs rapportent que cet arbre dépouillé de son écorce demeure trois ans à en reformer une nouvelle, qui se trouve aussi bonne que la précédente ; mais cela paroît fort suspect. La cannelle, pour être bonne, doit être d’un goût fort piquant & fort agréable, & avoir une couleur rousse & assez vive. Ses qualités sont d’échauffer, de dess&cher, de hâter les menstrues & les accouchemens ; de fortifier les esprits, & d’aider à la digestion. Ce mot peut venir dû Latin canna, parce qu’on nous apporte la cannelle en forme de canne. Mais le plus sûr est de tirer ce mot de l’Hébreu, cane, qui signifie la même chose que calamus aromaticus parmi les Latins. Voyez Ceilan. Voici une description plus détaillée de la Cannelle.

La cannelle est l’écorce d’un arbre qu’on peut appeler Cannelier, Elle est longue ; mince, roulée, d’une couleur rouge brun, d’un goût piquant aromatique & fort agréable ; La cannelle fine nous vient de l’Île de Ceylan ; & elle est mince ; peu haute en couleur, & comme brûlante au goût. Le grabot de cannelle, qui a peu de goût, se nomme escavisson chez les Epiciers, La cannelle est du nombre des drogues qu’on appelle épices. Les cuisiniers la font entrer dans plusieurs de leurs ragoûts, & dans quelques-unes de leurs sauces. Les Confiseurs en lardent les fruits qu’ils mettent est compotte. Les Parfumeurs l’emploient dans leurs pâtes ; dans leurs pastilles, & dans leurs poudres de senteurs. Les Medecins l’ordonnent dans les dévoimens ; dans les foiblesses d’estomac. L’eau de cannelle se tire par la distillation que l’on fait de cette écorce infusée dans l’eau d’orge ; dans l’eau-de-vie où dans le vin blanc. On appelle eau de cannelle orgée ; celle qui est tirée avec l’eau d’orge. L’huile de cannelle nous est apportée de Céylan ; & c’est une espèce tres-précieûse, quand elle n’est point falsifiée. Quelques gouttes de cette essence peuvent aromatiser des liqueurs & des compositions, auxquelles la cannelle en substance, ou en teinture, ne donneroit pas une odeur, un goût aussi agréables.

Outre la canelle de Céylan, nous avons deux écorces qu’on tire de deux autres espèces de Canneliers. La première de ces écorces a conférée son nom latin de cassia lignea, & n’est guère employée que dans certaine composition de Pharmacie. Elle est fort semblable à la cannelle fine, & on ne la distingue sûr-tout, que parce qu’elle est fort visqueuse dans la bouche, & qu’elle n’a point ce sec & ce piquant de la cannelle ; d’ailleurs elle est ordinairement un peu plus grossière, & d’une couleur un peu plus brune. À juger du Cinnamomum, & du Cassia lignea, que Gallien & Dioscoride ont décrit, on n’y voit point un rapport entier avec notre cannelle, ni avec notre Cassia lignea. La plupart des nouveaux Naturalistes nient que la Cassia lignea, soit la seconde écorce du vrai Cannelier. La seconde écorce qui approche de la cannelle par sa couleur & par son goût, — mais qui est cependant plus foible, est appelée Cannella de Matte, en latin Cannella minus aromatica. Elle nous vient en morceaux plats, beaucoup plus épais que la cannelle ordinaire. L’arbre d’où elle est tirée, se nomme Katoukarva par les Malabarois. Cette dernière écorce n’est guère d’usage en Europe, où l’on ne fait cas que de la cannelle fine.

Il y a encore quelques autres écorces auxquelles nous donnons improprement le nom de cannelle ; telles sont la cannelle giroflée, & la cannelle blanche, écorces de deux arbres qui n’ont point le caractère de Cannelier. La première, qu’on nomme communément cannelle giroflée, où cassia caryophillata, (non pas qu’elle vienne de l’arbre du girofle, mais plutôt parce qu’elle a le goût du clou) est fort mince, fort cassante, d’un rouge tirant sur le violet, roulée l’une sur l’autre, & d’un goût piquant & aromatique. Flacourt dit que l’arbre qui donne cette écorce se nomme Ravendsara dans l’Île de Madagascar, où il est commun, & qu’il ressemble au laurier franc. Ses fruits sont gros comme de petites noix vertes ; ils sont arrondis, terminés par un petit nombril, divisés en plusieurs cellules, & ont un goût & une odeur agréable, aromatique, & qui participe du clou. Cet arbre croît aussi dans le Brésil, & les Portugais nomment son écorce, Cravo de Marenhan, d’où vient le nom françois, bois de Crabe ou Capelet. Cette écorce s’emploie au défaut du girofle, elle en a la force, lorsqu’elle est nouvelle, & qu’elle n’est point moisie. À l’égard de la cannelle blanche, c’est l’écorce d’un arbre qui croît en Amérique, à la Jamaïque & à S. Domingue. Du Tertre fait mention de cet arbre sous le nom de bois d’Inde, ou de laurier aromatique. Il ressemble en quelque