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CAR

CARRHES. Nom ancien de plusieurs villes en Orient. Carrhæ, Carrhes, ville de l’Arabie proche de la mer, est, à ce que l’on croit, celle qui se nomme aujourd’hui Héren. Carrhes, ville de Mésopotamie, aujourd’hui du Diarbeck, est l’ancienne חרן, Hharan ou Charan, séjour de Tharè & d’Abraham, dont il est parlé, Gen. XII, 31, & Act VIII, 2. Ptolomée la place à quarante milles d’Edesse : d’autres sur le fleuve Chaboras ; & d’autres sur le Charra. C’est à Carrhes que Crassus fut défait par les Parthes, & que Caracalle fut tué. Carrhes eut depuis un Evêché suffragant d’Edesse. Voy. Bochart Phaleg Liv. I, c. 14. p. 107.

☞ CARRICK. Province de l’Ecosse méridionale, entre celle de Kyle au nord & celle de Galloway au midi.

CARRIER. s. m. Ouvrier qui tire & qui coupe la pierre des carrières. Latomus, lapicida. On le dit aussi des Marchands de pierre, ☞ ou de l’Entrepreneur qui fait ouvrir une carrière pour en tirer de la pierre.

CARRIÈRE. s. f. Lieu creusé en terre pour en tirer la pierre. Lapidicina. On ne peut pas bâtir sur ce terrain, il est creux, on y a fouillé des carrières. Une carrière de marbre, de jaspe, de pierre de Saint Leu, de Tonnerre, &c. On les distingue par la matière que l’on en tire. Les carrières d’où on tire le marbre, s’appellent marbrières : & celles d’où on tire la pierre, pierrières, & celles d’où l’on tire l’ardoise, ardoisières, quelquefois pierrières, comme en Anjou. Il y a des carrières où on trouve deux cieux, ou bancs de ciel, à 12 ou 15 pieds au dessous l’un de l’autre, comme a remarqué Blondel.

Ce mot vient de carreaux, ou grosses pierres qu’on tire des carrières, qu’on a appelé en latin Quadrariæ, ou carreriæ.

On dit figurément & proverbialement, qu’un homme a une carrière dans la vessie, quand après en avoir tiré quelques pierres, il s’y en engendre de nouvelles.

Les Botanistes appellent aussi dans une poire, la carrière, cette partie où s’amassent plusieurs petits nœuds pierreux, qui vers le centre du fruit semblent ne former qu’une pierre. Cette carrière, ces nœuds se forment, non-seulement dans le centre, mais encore dans la chair de la poire, principalement de celles qu’on appelle poires d’estranguillon. M. Grew, dans son Anatomie des Plantes, dit que ces nœuds ne sont autre chose que plusieurs parties du suc endurcies & coagulées de la même manière que celles qu’on voit souvent dans les urines, dans les tonneaux de vin & dans plusieurs autres liqueurs, par la précipitation que cause quelquefois le mélange & la force des sucs qui se trouvent dans les corps ligneux & dans le parenchyme, qui agissent les uns sur les autres.

Carrière. Terme de Coutumes. Chemin large de huit pieds, où l’on peut mener charrette l’une après l’autre, & bétail en cordel & non autrement.

Carrière, en ternes de Manège, signifie un lieu fermé de barrières où l’on entre pour courir la bague & la course même du cheval. On le dit généralement d’un parc destiné aux exercices d’un homme de cheval. Stadium curvatum, Hippodromus. Il a fourni sa carrière. Il a bronché au milieu de la carrière, sitôt qu’il est entré dans la carrière. Ce cheval a une certaine carrière tride, c’est-à-dire, il galope fort vite.

☞ On dit qu’un cheval a bien fourni sa carrière, pour dire, qu’il a bien fait la course qu’on vouloit qu’il fît.

En Fauconnerie on appelle carrière, la montée de l’oiseau d’environ 60 toises. S’il monte plus ou moins, on dit double carrière ou demi-carrière.

Dans les cirques anciens on appeloit carrière, le chemin que devoient faire les biges, ou quadriges, c’est-à-dire, les chariots à deux ou à quatre chevaux, qu’on faisoit courir à toute bride jusqu’aux bornes du stade, pour remporter les prix.

☞ On dit figurément ouvrir à quelqu’un une carrière, une belle carrière, lui donner occasion de faire briller ses talens. Cet événement lui a ouvert une belle carrière.

☞ Donner carrière à son esprit, se laisser emporter à son génie, se laisser aller à l’envie qu’on a de dire certaines choses. Ciceron pouvoir donner une libre carrière à son esprit, & employer l’art de persuader dans toute son étendue. P. Rap.

☞ Courir la carrière, s’exercer à quelque chose. Ils courent tous deux la même carrière.

O vous donc, qui brûlant d’une ardeur périlleuse,
Courez du bel esprit la carrière épineuse. Boil.

☞ Se donner carrière, signifie aussi se livrer à la joie, se laisser emporter à l’envie, au plaisir que l’on a de faire ou de dire quelque chose. On dit dans le même sens se donner carrière aux dépens de quelqu’un, s’en divertir par des railleries.

Carrière, se dit encor, figurément du cours de la vie, & du temps qu’on passe dans quelque fonction, dans l’exercice de quelque charge, Curriculum, cursus, stadium. Ce saint homme a fourni sa carrière, a passé sa vie dans les exercices de piété. Le prix nous attend au bout de la carrière. Cet Ambassadeur a fourni sa carrière, a achevé sa négociation avec succès. Sa carrière, qui pouvoit être plus longue, ne pouvoit être ni plus belle, ni plus glorieuse. Patru.

On dit proverbialement, qu’on a fait passer carrière à quelqu’un ; pour dire, qu’on lui a fait faire quelque chose haut la main & malgré lui.

☞ On le dit poétiquement, du mouvement périodique des astres. Les astres commencent leur carrière quand ils se levent. Ils finissent leur carrière quand ils se couchent.

Avant que le soleil commence sa carrière,
Et que l’aurore au monde annonce son retour.

☞ Ce mot vient de carrera, de la basse latinité, qui est aussi espagnol, & qui a été fait de carra, comme qui diroit chemin de charrette. Men. Ou bien il vient de quadrariæ ou quadratariæ, à quadris vel quadratis lapidibus. Borel le dérive de charrière, vieux mot françois, rue par où peut passer une charrette.

CARRILLON. Voyez Carillon.

CARRILLONNER. Voyez Carillonner.

CARRILLONEUR. Voyez Carillonneur.

CARRIOTTE. s. f. Fruit du Palmier qu’on appelle communément datte. Palma, palmula, palmæ pomum.

CARROSSE. s. m. Voiture commode pour aller par la ville & à la campagne. Rheda, currus, petoritum, carpentum, essedum. C’est un vaisseau propre à tenir plusieurs personnes, suspendu avec de grosses courroies sur quatre moutons, posé sur un train à quatre roues. Ses parties sont le train, le bateau, l’impériale, les quenouilles, les fonds, les portières, les mantelets, les gouttières. Teissier, dans ses Eloges des Hommes ilustres, remarque que du temps de François I, il n’y avoit à Paris que deux carrosses, celui de la Reine, & celui de Diane, fille naturelle d’Henri II, & que le premier des Seigneurs de la Cour qui en eut un, fut Jean de Laval de Bois-Dauphin, qui, ne pouvant se tenir à cheval à cause de son excessive grosseur, fut contraint de se servir de cette voiture. Les Ducs & Pairs ont le privilége d’entrer en carrosse dans le Louvre ; & les Duchesses, de mettre des housses sur leurs carrosses.

Ménage dérive ce mot de carruca, ou carrucha, qui se trouve ainsi écrit dans les Pandectes de Florence. On trouve carroccium, pour un char de guerre, Acta SS. Maii, Tome VII, p. 39. D. Le mot